Tu prendras bien un coup de rouge
The housemaid est l'occasion pour Im Sang-Soo de se laisser aller à une critique sociale intéressante, même si peu nuancée. Il délivre son propos à travers des personnages pas très subtiles, certainement dans l'espoir d'être entendu clairement. Qu'il ne s'inquiète pas, on a bien compris ce qu'il voulait dire, aucune ambiguïté ne subsiste pour le spectateur quand il s'est mangé dans les gencives ce dernier acte noir en diable, quelque peu maladroit, mais très puissant dans sa symbolique. Où comment les puissants, avec ce pouvoir qu'ils obtiennent avec leur héritage, régulent la vie des petites mains qui les servent sans le moindre scrupule.
Certes la thèse est un peu facile, voir par moment grossière, mais a le mérite d'être claire. Im Sang-soo fait monter la sauce en prenant son temps pour caractériser tous les personnages qui sont sur son échiquier, une maison ultra luxueuse, principal lieu donnant à The Housemaid des airs de huit clôt idéal pour étouffer petit à petit cette pauvre nounou prise au piège d'influences qui la dépassent. Il n'y a qu'un seul personnage pour apporter un point de vue moins caricatural, celui de la vieille gouvernante. Résignée, elle connaît tous les rouages du système qu'elle sert même sciemment à de multiples reprises dans le film, y compris quand il s'agit de livrer en pâture aux louves celle qui est censée être sa protégée.
Mais bien plus que par son script un peu court, c'est pas sa beauté formelle que se démarque The housemaid. Im Sang-soo est un fin esthète et fait de chacune de ses séquences des petits bijoux de mise en scène, dont la photographie est d'une précision redoutable. Sa caméra ne se fixe jamais, elle accompagne les personnages dans chacun de leur déplacement avec une aisance de félin. Et lorsque le cinéaste se décide enfin à faire un pause furtive, c'est sur un plan magnifique, presque trop parfois.
Trop parce que plus le film avance et plus Im Sang-soo se perd dans ses images, plus intéressé par les ambiances graphiques qui composent son film que par sa narration. En témoigne sa dernière partie, presque en roue libre, qui se permet de déconstruire totalement les convictions que l'on avait à propos de l'ingénue Eun-yi. Ça se ressent d'ailleurs dans la performance de Jeon Do-yeon qui devient hésitante et un peu outrancière alors qu'elle était jusque là toute en subtilité.
Dommage, ces petits égarements font que The Housemaid ne nous laissera comme souvenir que ses moments manqués. Comme cette fin bien trop soudaine, et surtout en déphasage presque total avec ce qui s'est passé dans les 90 minutes qui la précèdent. Reste tout de même qu'on est devant un joli film, superbement réalisé, au casting précis, qui jamais ne nous ennuie alors qu'il a très peu de matière pour nous garder intéressé. Un bel exercice de style.