Campée par l’incroyable actrice Kaho (déjà vue dans Invasion de Kiyoshi Kurosawa), Toko dispose de tout ce que la société nippone peut offrir à une trentenaire bien lunée : un mari ambitieux, capable de subvenir aux besoins de la famille, une petite fille adorable et une belle-mère serviable, tous cohabitant dans une maison moderne (trait de prospérité), suffisamment grande pour que chacun y trouve l’espace de s’y épanouir. L’expression résignée de Toko laisse pourtant deviner qu’elle n’éprouve plus grand bonheur. Elle forme avec son mari un couple de convenance, jamais complémentaire, jamais complice et viscéralement désuni. Tel qu’on peut souvent en voir au Japon. À ce contexte plat, il ne manque qu’un déclic : le hasard va porter Toko sur le chemin de Kurata, l’homme qu’elle aimait autrefois. Le seul qui semble l’avoir jamais comprise et capturée, au point que l’authenticité du lien qu’ils entretenaient semble toujours impossible à rompre…
Au cœur de ces retrouvailles fébriles, Kurata s’étonne que Toko, qu’il avait connue passionnée et autodidacte sur le banc de leur fac d’architecture, en soit venue à se renier autant. « Dis, ne te souviens-tu vraiment pas ? Ton esquisse… Quand on s’est rencontrés… Je n’avais jamais vu des lignes aussi ratées. Sans parler des perspectives… Les fenêtres étaient démesurément grandes ». Derrière le sarcasme de Kurata se dissimule son admiration pour Toko, dont l’imaginaire lui est apparu aussi vaste que ces fenêtres, et les perspectives aussi créatives et aléatoires que ces traits sans formalisme. Il la pousse à renouer avec sa carrière d’architecte, à poursuivre sa voie là où elle s’est arrêtée. Il faudra du courage à Toko pour convaincre son mari que reprendre son travail est nécessaire.
Commence alors un parcours de femme et un apprentissage de soi, où le repli se transforme en accueil et chaleur. Les liens que Toko va s’autoriser à déployer, que ce soit avec ses collègues, avec Kurata, auront chacun un caractère fort, unique et salvateur. Sa famille lui reprochera bien sûr de remplir un peu moins bien son rôle – de mère, de femme. Et Toko devra certes parfois arbitrer pour répondre aux attentes de chacun. Quoiqu’il advienne, la neige des sublimes paysages enneigés d’Hokkaido viendra toujours déposer sa blancheur sur les ombres, y compris sur le terrible secret que Kurata finira par lui confier, et qui conduira Toko à dessiner de nouvelles perspectives, pour le meilleur et pour le pire…