Contient un spoiler
A24 est un studio avec lequel j'entretiens une relation particulière. Régulièrement intéressé par les pitch de leurs productions, auxquelles je reconnais volontiers des qualités narratives et esthétiques, j'accroche finalement assez peu aux ambiances et aux imageries qu'ils proposent. Pour résumer, j'ai du mal à les suivre dans leurs délires, les seuls contre-exemples me venant à l'esprit étant Midsommar et Saint Maud. C'est donc avec un sourire entendu que j'ai accueilli le logo du studio, ignorant totalement qu'ils étaient derrière puisque c'est simplement son pitch qui m'a attiré vers The Humans, étant client de la thématique du dîner qui tourne mal.
Pitch qui est une erreur à mon sens, puisque contrairement à ce qu'il laisse entendre, nulle manifestation surnaturelle ici. Il me paraît maladroit de vendre le film sur ce point, au risque de créer de la déception chez des gens qui n'auront pas ce qu'ils sont venus chercher, d'autant plus qu'il a d'autres qualités à mettre en avant. Notamment son humanité, aux antipodes justement d'un quelconque caractère surnaturel.
Le casting est brillant. Pardonnez mon ignorance mais hormis Steven Yeun que j'avais vu pour la dernière fois aux prises avec des zombies et une batte cloutée et Richard Jenkins duquel j'ai des souvenirs confus que je n'arrive pas à replacer dans un rôle spécifique, je ne connaissais personne. Après visionnage, il me semble compliqué de ressortir du lot l'un d'entre eux, que ce soit en mal ou en bien, tellement leurs performances sont homogènes qualitativement et authentiques. L'authenticité, c'est d'ailleurs un autre point fort du film, qui m'a poussé à m'interroger sur ce qui devait être le plus difficile à jouer de façon crédible pour un acteur. Est-ce une scène de science-fiction ou de thriller en rupture avec la vie quotidienne de tout un chacun, ou un dîner de famille, que plus ou moins chaque spectateur aura vécu et dont il sera capable d'éprouver l'authenticité ? Je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit de la deuxième catégorie. Toujours est-il qu'on croit immédiatement à cette famille et à ses péripéties.
Arrivent ensuite le scénario et les thématiques abordées. On pourrait accuser le film de brasser large et de grossir le trait pour renforcer l'effet dramatique. C'est vrai qu'entre la précarité, l'amour, le rejet, le handicap, la sénilité, le travail, l'échec, la religion, l'orientation sexuelle, la trahison et j'en passe, cette famille concentre pas mal de malheurs du monde. Mais cela lui confère l'aptitude de toucher un grand nombre de spectateurs. Quiconque respire et est arrivé à l'âge adulte (fixez ce cap où vous voulez) sera en mesure de reconnaître dans ces situations soit lui-même soit des proches. En mesure de s'identifier et de ressentir la gêne causée par une question, la frustration voire la tourmente occasionnée par une remarque, la colère générée par une attitude, le réconfort apporté par un sourire ou un contact. S'il n'est pas fidèle à son pitch, le film l'est en revanche complètement à son titre et avec son authenticité, c'est son humanité, dans ses bons et ses mauvais côtés, qui fait sa force.
Tout cela est parfaitement appuyé par la réalisation, qui avec ses cadrages serrés ou larges, ses gros plans, ses hors champs, sa façon de se concentrer sur un personnage, qu'il soit au centre de l'action ou pas, parvient parfaitement à retranscrire tant l'exiguïté et la décrépitude du décor que l'intensité (ou la mollesse) des conversations, les ressentis et émotions des personnages parfois terriblement seuls intérieurement malgré la présence des autres et à nous les faire partager par empathie.
Toutes ces qualités font de The Humains un des rares films A24 que j'ai eu plaisir à visionner sans décrocher à un moment ou un autre.