Une mise en scène brillante et histoire improbable
Un documentaire dérangeant à plusieurs égards. Déjà pour le sujet traité, ensuite pour la part active de Frédéric Bourdin dans la reconstitution des faits. Enfin, le documentaire n'apporte aucune preuves tangibles, sinon les points de vues de chacun.
En visionnant ce documentaire, j'ai tout de suite été frappé par la reconstitution des faits, qui suit un procédé narratif largement scénarisé et qui joui par ailleurs d'une mise en scène de haut vol. C'est ce point en particulier qui peut rebuter le plus, je suis tout à fait d'accord avec ça.
Mais ce qui fait sa faiblesse en fait aussi sa force, car il ne prend jamais parti pour un camp ou un autre tout en rendant le film incroyablement immersif. Ce point est essentiel. Hormis la fin du documentaire, qui laisse volontairement planer le doute, Bart Layton décrit méthodiquement chaque point de vue.
Il relate les versions différentes de manière empirique et détachée, avec un talent certain de présentation et de mise en scène.
On apprendra donc qu'une enquête pour homicide a été ouverte, mais qu'aucune charge n'a été retenue contre un membre de la famille Dollarhide ou gibson en particulier.
Dans toutes les interviews, dont celles du détective privé, des agents du FBI, ou des voisins; on sent un malaise, un doute commun à tous. Aussi bien concernant l'identité de Bourdin que concernant ce qui est surement arrivé au vrai Nicholas. Alcoolisme, drogue, famille instable et perturbée... C'est ce qui fait le terreau de nombreuses histoires scabreuses ici comme ailleurs. Mais le fait que ce manipulateur ait atterri précisément dans cette famille confère ce petit goût d'improbabilité et de rocambolesque qui en fait un bon sujet. Et c'est bien sur ce qui fait tout l'intérêt de ce documentaire, la probabilité pour que ça arrive étant infinitésimale.
En tant que film, il présente un intérêt particulier car il est pourvu d'un excellent rythme, d'une réalisation soignée et d'une intrigue mise en avant avec soin. Le côté border line est bien sur évident, car tout est fait pour immerger le spectateur dans cette histoire à l'issue pourtant connue de tous. Mais en ne peut nier cet état de fait, le film est passionnant. Je l'ai apprécié en tant que format et en tant qu'oeuvre, sans pourtant être particulièrement friand de ce genre d'histoires. Le côté voyeuriste finit toujours par me proser un problème de fond, pas de problèmes, il est ici contourné avec intelligence, en vous poussant implicitement à vous forger une opinion. Les plus perspicaces y verront sans doute une possibilité supplémentaire de s'intéresser à cette affaire d'une manière moins démagogique que celle abordée par les rubriques de faits divers.
Aux interviews récentes s'ajoutent les images d'archives et les reconstitutions. On peut donc lui reprocher légitimement la réutilisation de Frédéric Bourdin dans la reconstitution, où il démontre encore une fois ses talents d'acteur-manipulateur. Je trouve ce côté un peu maladroit, d'autant que de vrais acteurs ont été utilisés pour les autres personnages. On peut aussi reprocher au réalisateur cette approche un peu trop scénarisée. D'aucun dirons trop scénarisée pour être honnête.
Mais si Bourdin a purgé sa peine, il n'est pas pour autant exempt de lucidité. Si son comportement est totalement condamnable, il met en avant certains faits troublants, qui alerteront suffisamment les autorités pour être pris au sérieux. Les différents points de vues éclatent autour de ce qui est finalement la véritable tragédie, la disparition de Nicholas Barclay. Si on peut tout à fait se ranger derrière un camp ou l'autre, (ce qui est déjà appréciable en soit) le réalisateur n'occulte jamais cette partie de l'histoire.
Il y a donc une distance raisonnable entre le deuil de la famille, le respect de cet enfant disparu et le doute planant sur sa disparition.
C'est ce mode de narration que j'ai particulièrement apprécié dans le film. Il y a une double narration, et une multitudes d'approches. Pragmatiques, purement issues d'un ressenti, ou théorisées à partir de quelques indices. Le doute est toujours permis. On peut donc légitimement s'interroger sur la véracité de chaque déclaration, surtout celle émanant de ce maître manipulateur et de cette famille pas tout à fait nette, qui a sans doute joué un rôle actif dans la disparition tragique du petit garçon.
Un excellent documentaire.