Et si nous pouvions modifier le passé dans le but de réécrire le présent ? Voilà une question (récurrente et banale que tout homme scrupuleux a pu se poser au moins une fois dans sa vie après
Source : Ma critique sur http://www.justfocus.fr/cinema/the-infinite-man-une-merveilleuse-histoire-damour-et-de-voyage-dans-le-temps.html [Avec des images :D]
Et si nous pouvions modifier le passé dans le but de réécrire le présent ? Voilà une question récurrente et banale que tout homme scrupuleux a pu se poser au moins une fois dans sa vie après avoir essuyé un échec personnel. L’idée du voyage temporel utilisé à des fins personnelles semble ainsi ne pas briller par son originalité et instinctivement : on se met à penser à Retour vers le Futur avec le célèbre Almanach ou au plus confidentiel Primer. C’est pourtant cette thématique qu’a choisi de reprendre Hugh Sullivan, dont le premier long métrage se trouve auréolé de toute la bienveillance des festivaliers du SXSW FILM 2014. Toutefois, on se demande tout de même avant de s’y plonger, comment The Infinite Man va pouvoir innover et ainsi se démarquer de ses illustres et astucieux prédécesseurs.
Invention, création, recréation, rétroaction
Dean est un brillant inventeur victime d‘une tendance obsessionnelle à un perfectionnisme qui impacte sur une vie de couple des plus polarisante. Dans l’espoir de reconquérir sa belle et désillusionnée Lana, il décide de recréer avec une minutie affolante le weekend idyllique qu’ils avaient vécu l’année précédente, jour pour jour dans un motel excentré en plein désert australien. Seulement, notre protagoniste va aller de déconvenues en déconvenues et assister à l’inéluctable échec d’un plan qui se prétendait parfait. Face au départ de sa dulcinée qui s’enfuie avec un ex petit ami roublard, ancien médaillé olympique en lancer de javelot, Dean décide tout simplement d’user de sa créativité pour mettre au point une machine à remonter le temps afin de pouvoir effacer les désastres du passé et réécrire sa propre histoire.
The Infinite Man se présente comme un film à boucle temporelle, inventif où plusieurs niveaux de narration s’emboitent avant de confluer irréversiblement. A force d’essuyer les échecs, notre protagoniste finit par se piéger dans un cycle qu’il a lui même créé.C’est un habile tour de passe-passe formel que de passer par la structure du récit pour transcrire le désordre interne d’un personnage apparemment ordonné. Obsédé par le contrôle, Dean est le symbole d’une dérive propre à une époque moderne qui veut manipuler les sensations de l’autre, la nature, le temps et l’espace. Le désordre issu de la succession de voyages temporels de Dean traduit cette incapacité de l’Homme à pouvoir prétendre à une telle emprise sur le monde. Lorsque que ses manipulations sont contre-nature, tôt ou tard, son entreprise finit sur un désastre.
De l’angoisse d’un homme qui s’observe
On le constate dès le premier plan : le film est centré sur son personnage principal mais il réussit à éviter des écueils d’égocentrisme en portant finalement des propos généreux dans lesquels chacun peut trouver une part de soi..
En effet, Dean est un control-freak qui ne se dissimule guère.Sa volonté de régenter se retrouve dans les compartiments les plus subtils qui composent sa relation amoureuse. L’enchainement des paradoxes qu’il provoque et des rencontres entre ses différents “moi” lui permettront de s’observer lui-même et d’établir finalement son propre diagnostic. La réalisation se révèle brillante dans la mesure où elle met en scène une mise en abyme très poussée qui passe par un jeu de regard permanent. Dean observe un autre Dean qui observe un autre Dean et ainsi de suite. Cet enchevêtrement permet donc de pousser la réflexion du point de vue de l’humain. Il s’agit de prendre du recul sur soi et d’admettre sa part de responsabilité dans l’échec d’une relation. Tout le long du récit, Dean garde un œil sur lui-même mais aussi sur Lana résumant ainsi les déboires de son propre couple, témoignant par le même temps de notre volonté de plus en plus prononcée à contrôler et à vouloir anticiper les émotions d’autrui. Finalement, les déboires de cet homme en disent long sur lui mais aussi sur nous.
Sullivan évoque finement par le biais de la science fiction des thèmes plus terre à terre comme le manque de confiance en soi, l’impulsivité des réactions humaines, le doute etc.
Une tragicomédie rafraîchissante
Mais plus qu’une œuvre foisonnante de réflexions sociales et philosophiques,The Infinite Man est avant tout une rom-com pétillante dont la mécanique repose sur une théâtralité poussée mais savamment orchestrée. Le réalisateur joue au marionnettiste et s’amuse avec ses personnages.On a un véritable trio vaudevillesque dont les altercations se noient dans l’immensité d’un décor unique et désertique. Ce motel délabré, cet édifice en mal de vitalité se présente comme l’illustration parfaite de la relation entre Dean et Lana. Une unité de lieu, une unité d’action, une unité d’un temps malléable. Le récit semble aussi suivre un schéma actanciel bien rigoureux mais qu’il recompose dans une nuance prononcée : Lana est une adjuvante que l’on pousse dans le camp adverse, Terry est l’opposant farouche qui finit par présenter une irrémédiable docilité, Dean se révèle être son propre élément perturbateur. Chaque acteur réussit avec brio à camper des stéréotypes inclassables et ne tombent jamais dans le grotesque.
Sullivan opère ainsi tout un travail de restructuration narrative permettant de tenir en haleine un spectateur attendri par la bizarrerie ambiante de l’objet filmique que l’on lui présente. On sort ainsi de la séance le cœur plein d’optimisme face à un film généreux qui nous gagne par son optimisme exacerbé mais non exagéré.
A mi chemin entre Eternal Sunshine et la candide série Pushing Daisies, The Infinite Man se révèle être cette bonne surprise qui vous arrache un sourire inattendu. Sa fraîcheur vous permettra ainsi d’oublier la lourdeur des températures estivales qui s’installent progressivement dans nos contrées.