Sans spoiler
Autant le dire d’entrée de jeu pour ceux qui en espèrent peut-être un peu trop : The Irishman ne renouvelle rien.
Quiconque a déjà vu des films de gangsters, et ceux de Martin Scorsese en première ligne, sera en terrain connu. Il n’est pas question ici de transcender, réinventer ou briser les codes du genre, mais simplement de raconter une histoire de malfrats comme Scorsese a toujours su le faire.
Une sensation de retour à la maison qui nous met tout de suite à l’aise et nous promet, à défaut de réelles nouveautés, de passer un bon moment de cinéma en compagnie d’un maître qui n’a peut-être plus rien à prouver mais a encore des choses à raconter. Telle une énième réunion de famille.
Exigeante et sans concession, cette véritable fresque de 3h30 suit l’évolution de Frank Sheeran dans les mondes interconnectés des syndicalistes et de la mafia.
L’occasion de croiser une galerie de personnages tous plus ou moins déjà vus et connus, à ceci près que ces « gueules » ne sont pas toutes jeunes…Et il est là, à mon sens, le tour de force de ce film.
Scorsese nous dépeint des malfrats à un stade de leur vie qui nous a rarement été montré au cinéma, atteindre le 3e âge étant un luxe dans ce milieu où l’on a plus de chances de terminer avec trois balles dans la tête avant ses 40 ans que de se faire diagnostiquer un cancer de la prostate.
Il déploie devant nous une véritable réflexion sur les relations humaines à travers les âges et sur l’égalité des hommes face au temps. Au-delà des poncifs du genre et des grosses ficelles que Scorsese manipule, avec tout le brio qu’on lui connait, c’est bien cet aspect-là du film qui reste en mémoire une fois la séance terminée.
Un sujet que nos trois vieux briscards prennent à bras le corps et interprètent de façon impeccable. Le cabotinage aujourd’hui systématique de Pacino est ici parfaitement encadré, Pecci est impérial et De Niro ne m’avait plus ému de la sorte depuis longtemps.
Et comme pour appuyer le propos du réalisateur, ce sont bien les scènes sans artifice ni technologie de rajeunissement, ou les acteurs sont face à nous sans trucage, qui sont les plus réussies et les plus émouvantes.
Fort d’un amour sans fin au cinéma et d’une envie toujours aussi vivace de partager avec son public, Martin Scorsese a probablement offert le meilleur baroud d’honneur imaginable à ces trois légendes du cinéma.