Qu'on le veuille ou non, The Irishman marque un grand coup dans le 7e Art : premier film de Scorsese sur la plateforme Netflix, premier film de plus de 3h, réunion au sommet entre le réalisateur et ses anciens acteurs fétiches Robert De Niro, Joe Pesci et même Harvey Keitel, première collaboration avec Al Pacino, retrouvailles entre ce dernier et De Niro onze ans après le désastreux La Loi et l'Ordre... Sans parler du de-aging et des soucis de production. Mais est-ce que le 25e film du metteur en scène restera dans les mémoires pour ce qu'il est, c'est une autre histoire...
Particulièrement dense, très lent, très long, anti-spectaculaire, le film nous fait retrouver Scorsese à travers le bon vieux film de gangsters, l'histoire vraie de Frank Sheeran, tueur à gages œuvrant pour le mafioso Russell Bufalino et par la suite le syndicaliste Jimmy Hoffa. Saluons l'interprétation grandiose du trio d'acteurs principaux, d'un Bob De Niro redorant un blason bien terni au fil des dernières décennies à un Joe Pesci sorti de sa retraite et ici terrifiant dans un rôle d'un calme absolu. Rajeunis laborieusement au fil du long-métrage, les acteurs arrivent à habiter un scénario puissant mais qui manque également de panache, de séquences envolées pour ne pas dire cultes, peu desservi par la mise en scène étonnamment sobre d'un Scorsese certes occupé à retranscrire l'Amérique des années 50 à 70 et soucieux de rajeunir ses protagonistes mais peu enclin à proposer une fresque visuellement époustouflante.
The Irishman peut dérouter de par sa longueur évidente, son calme quasi-omniprésent, ses sauts dans le temps parfois maladroits, son rythme également très inégal, les yeux bleus rajeunis d'une rare laideur de Robert De Niro. Heureusement, de délicieuses séquences viennent ponctuer le film d'une dramaturgie palpable, que ce soit les innombrables affrontements entre Hoffa (campé par un Pacino déchaîné) et ses adversaires ou l'incroyable longue scène de la soirée consacrée à Sheeran où les fins dialogues font habilement ressortir une tension abasourdissante. Ainsi, sans être l'évènement attendu depuis 2007 ni le meilleur film de son auteur, The Irishman reste tout de même une œuvre intense, sombre voire nihiliste, qui aurait probablement pu être esthétiquement plus travaillée mais témoigne d'une aura crépusculaire évidente.