Si The Irishman ne sera pas forcément le film testamentaire de Martin Scorsese, il aurait parfaitement pu porter cette étiquette, comme Il était une fois en Amérique pour Leone, tant il semble ici raconter bien plus qu'une ascension de mafieux, faisant appel à son histoire et celle du Cinéma.
Faisant appel à son seul et unique alter-ego en la personne de Robert De Niro, il raconte l'histoire de Frank Sheeran, on reconnaît sa passion ainsi que la justesse et, cette fois-ci, une certaine mélancolie. Il traverse les âges et montre l'évolution de l'homme, de l'Amérique mais aussi de lui-même et son cinéma.
Racontée par un Sheeran qui n'en a plus pour longtemps, il renoue avec ses films de gangsters, en particulier ceux du des années 1990 où l'histoire est narrée via la voix-off du protagoniste et il montre qu'il n'a rien perdu de son art pour raconter et sublimer ce genre d'histoire, porté par des personnages violents, semblant vivre dans leur bulle, détruisant plus qu'ils ne protègent, qu'il parvient tout de même à rendre attachants.
Il ajoute à cela un peu de mélancolie, une réflexion sur le temps qui passe (dans ce sens, la dernière partie apportent une certaine nouveauté dans son cinéma), ce que l'on retient de l'Histoire et l'évolution personnelle des hommes. On ressent la fatigue de Sheeran dans sa voix et ce personnage est dans la lignée des gangsters mis en scène par Scorsese depuis maintenant cinquante ans, ceux qu'il voyait étant gosse dans le Litte Italy, et celui-là on le voit jusqu'au bout, loin de ses années mafieuses mais à la maison de retraite. Il prend son temps pour raconter son histoire, et touche à plusieurs de ses thématiques fétiches, comme le temps qui passe, la mort, l'amitié ou la famille, et le fait avec une certaine justesse.
Néanmoins, et malgré un art toujours présent pour raconter une histoire, il peine parfois à retrouver la flamboyance d'antan, la faute notamment à des personnages qui semblent toujours vieux, même lorsqu'ils sont jeunes. Vieillir un comédien est aisé, le rajeunir un peu moins, et ici, on ne croit pas toujours à ce De Niro frappant et parlant comme il le fait depuis maintenant une dizaine d'années, alors qu'il est censé avoir entre 25 et 45 ans.
Ainsi, l'aspect flamboyance mafieuse et une vie en dehors des radars sont moins bien amenés, contrairement à l'aspect mélancolique. Pourtant, chaque plan semble bien pensé et sert son récit, l'atmosphère mise en place étant plutôt prenante, notamment lorsque Pacino et De Niro se rapprochent.
En signant The Irishman, Martin Scorsese se montre d'une certaine justesse et mélancolie pour mettre en scène l'Histoire de l'Amérique, la sienne et celle d'un mafieux d'un bout à l'autre de sa vie, proposant une œuvre sachant être forte et intense et dont on oubliera ses quelques failles, notamment lorsqu'il s'agit de mettre en scène la flamboyance mafieuse.