Après une période seventies françaises et une boulimie de comédies grasses, je reviens à une fringale qui n'avait pas été apaisée, celle du film de Triade. Après avoir écumé notamment Johnnie To, j'ai découvert, avant-hier, avec "Le syndicat du crime", John Woo, cinéaste tout en subtilité et en musique de restaurant chinois. Le Woo HK, hein, parce que j'ai souvenir d'un élément US non identifié avec Nicolas Cage, mais il vaut mieux que ça reste enfoui très profondément dans les méandres mystérieux de ma mémoire (l'allitération j'ai fait exprès, bien que je ne sache pas dans quel but).
Là où je vois que je suis demeuré c'est que je sais que ce n'est pas pour moi, c'est ultra violent (et biiiieeeen sanglant en plus), méga kitsch, et les scénarios... c'en est comique. (Vraiment. Mais vraiment, je veux dire c'est plus trop un point négatif, ça devient rigolo.) Mais là où c'est encore plus étonnant c'est quelque part là-dedans, force est de constater qu'il y a quelque chose qui me plaît un peu, sinon je n'attendrais pas avec impatience de voir le suivant, et encore un autre, encore, encore, ouiii !!
Alors qu'est-ce que c'est, parmi le ketchup et les bruitages intéressants des coups de poing ? Eh bien je dois avouer que j'ai un faible pour certains tics de réalisation du bonhomme. Autant aujourd'hui, à part chez Wes Anderson (♥), l'usage du ralenti a fortement tendance à m'horripiler, autant avant ça donnait souvent des choses sympas, notamment chez les Hongkongais (on dirait même une particularité : + Johnnie To, Wong Kar-wai). Je repense par exemple à celui de Chow Yun-fat qui va venger son ami dans le premier "Syndicat du crime", en retirant des flingues des pots de fleurs. Classe. Un petit cachet que j'aime bien, qui donne des gunfights assez plaisants. Il y a aussi un emploi (même si un peu abusif) de l'arrêt sur image, qui apporte un petit effet.
Alors bien sûr, cela participe au kitsch de l'ensemble, qui naît des séquences émotionnelles, du texte, débité de surcroît trop passionnément, et sous la pluie, des lèvres inférieures tremblotantes et de cette musique improbable. Mais quelque part, comme pour cette blague qu'est le scénario, ça ne serait pas pareil sans ce kitsch.
Et donc justement, "The Killer" est légèrement moins kitsch que "Le syndicat du crime", il se tient un peu mieux, à tel point que j'étais parti pour mettre 6, sauf que la fin c'est trop : trop de pathos, trop de sang, trop de morts (je crois que je n'ai jamais vu autant de morts dans un film, hors film de guerre)...
Concernant la violence, malgré que ce soit très sanglant (Quand un type se prend un bourre-pif, c'est une véritable Chute du Niagara qui coule de son nez), je note que ça me gêne moins ici que chez d'autres réalisateurs. Probablement parce que c'est trop, justement, puis ce n'est pas morbide, ni froid, si on peut dire.
A noter que les gunfights sont lisibles, avec un catalogue d'armes impressionnant : Beretta, Colt, Uzi, AKS, HK SMG II, SPAS 12, Mossberg 500... J'avais l'impression de jouer à Tactical Ops.
Niveau interprétation, je m'arrêterai surtout sur l'acteur principal, Chow Yun-fat. Je n'arrive décidément pas à savoir s'il est très mauvais ou presque sympathique. Probablement un peu des deux. Heureusement ici il ne se coltine pas une personne devenue profondément attardée, à qui il essaye de faire manger une orange ("Syndicat du crime 2") et n'essaye pas de parler anglais avec en plus du riz frit partout sur le visage ("don't fuck with my rice !" N'empêche, c'était marrant.). Il gagnerait à moins sourire. Et il ne faut vraiment pas mâchouiller une allumette. Surtout en croyant avoir la classe. Et c'est marrant cette manie de lui faire vider son chargeur sur chaque personne qu'il tue. C'est un pro, non ? Pourquoi il a besoin de faire douze trous à chaque fois ?
Fortement influencé par "Le samouraï" de Melville, moins noir et moins réussi que ce qu'on peut trouver chez un Kitano ou un To, les films de Triade de Woo se laissent néanmoins regarder et j'y trouve même de chouettes morceaux (ici, la scène du flingue déchargé entre Chow et son ami, ou Chow et l'inspecteur qui se tiennent mutuellement en joue mais qui font semblant, devant la jeune malvoyante, d'être de vieux copains). Je peux difficilement être plus généreux parce que je trouve qu'il y a de gros défauts mais je regarde ça sans déplaisir.
A noter que chez Woo, la police hong-kongaise n'essaye pas d'appréhender les truands, elle canarde à tout va, même quand il y a des civils en plein milieu. Ah oui et dans un chargeur de Beretta on peut mettre 96 balles. Pratique.