Le cinéma de Bob Rafelson est rare et exigeant. On ne regarde pas un de ses films par dessus la jambe, il faut s'y plonger, être attentif et surveiller tout ce qui se passe à l'écran pour lire entre les lignes. Encore plus que "Cinq pièces faciles", "The King of Marvin Gardens" force l'attention et le respect. On y suit David Staebler, animateur de radio qui sort de sa torpeur habituelle pour retrouver son grand frère Jason à Atlantic City. Celui-ci, vivant avec sa maîtresse et sa belle-fille et travaillant pour un caïd local, rêve de transformer une petite île près d'Hawaï en cité de jeux. Les deux hommes vont alors aller à la poursuite de cette chimère et le film va donc nous offrir son lot de scènes surréalistes au sein d'une Atlantic City complètement dépeuplée. Décortiquant les rapports fraternels, Rafelson aime à jouer sur les ruptures et son enchaînement de scènes qui nous poussent à nous concentrer pour saisir tous les rapports entre les personnages. Beau film mélancolique sur la tragédie de deux frères qui s'aiment, "The King of Marvin Gardens" ne manque pas de beaux moments (en témoigne le premier plan, long monologue de Jack Nicholson sur son frère, son grand-père et lui) et permet surtout aux acteurs de déployer plusieurs facettes de leur talent : Nicholson surprend en frère introverti et posé tandis que Bruce Dern livre une prestation habitée en tête brûlée bourrée d'énergie et de contradictions. S'il sera difficile de saisir toutes les nuances du film dès sa première vision, il ne manque certainement pas de charme et livre un message émouvant sur les conflits de famille.