La petite famille des marginaux et autres exclus s’agrandit avec The King of Staten Island, désormais forte d’un fils un peu paumé qui, à vingt-quatre ans, vit toujours chez sa mère et passe son temps à tatouer ses potes (ou, à défaut, un mineur) en fumant de l’herbe. Un antihéros que le réalisateur Judd Apatow sait rendre attachant : disparition du père, handicap, perspectives d’avenir médiocres, tous ces facteurs tendent à s’incarner dans un corps aux tatouages expressions et conjurations d’un mal-être qui jamais n’influence la bonté essentielle de Scott.


Voilà un personnage fascinant, d’autant plus fascinant que son île – ladite Staten Island – avait toutes les raisons de le conduire à la révolte ; et s’il est mis au contact de l’illégalité, comme braquer une pharmacie ou dealer de la drogue, il en reste néanmoins écarté, comme sauvé par la bulle dans laquelle il vit – il est roi en son royaume – et qui le place à part, constamment sur le point de se voir exclu des groupes (la famille, les amis, l’équipe de travail) en raison de sa différence. Une différence qui ne saurait se résumer à un élément caractéristique – toujours puceau à quarante ans, grand gamin mais futur père etc. – mais qui articule une pluralité de petites choses, de détails que le spectateur perçoit sans toujours savoir les mettre en mots.« Just What I Am », comme le dit la chanson.


Avec The King of Staten Island, Apatow compose son personnage le plus complexe et peut-être le plus passionnant à suivre ; et c’est pour cette raison que la seconde partie du film, davantage axée sur la relation qui s’installe entre Scott et Ray, convainc moins parce qu’elle enferme son protagoniste dans une trajectoire conventionnelle, déjà vue et revue, évacuant en partie toute l’authenticité d’un grand adolescent pour mieux chanter, une fois encore, la réconciliation. Reste une œuvre sincère qui propose un comique en demi-teinte, où la pantalonnade se charge vite d’une âpreté bienvenue dans le petit cinéma de Judd Apatow.

Créée

le 13 août 2020

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