Un film sur San Francisco débordant d'un amour pudique mais intense, prix de la meilleure réalisation au festival de Sundance 2019.
L'histoire est celle de Jimmy Fails (du verbe "échouer", c'est d'ailleurs le nom de l'acteur lui-même ce qui laisse penser que le réalisateur a volontairement garder ce nom et donc sa signifiance), un jeune homme bonnet vissé sur la tête et skateboard soudé à ses semelles qui veut vivre dans la maison construite par son grand-père en 1946 dans un quartier de San Francisco. Seulement il ne peut pas l'acquérir au vu de son prix. Il devra donc, à défaut, squatter l'endroit inhabité en essayant de trouver une solution.
Le film traite avant tout de la notion de "chez soi", que cela soit à travers la maison en question et plus largement à travers la ville de San Francisco qui, on le verra au fil du film, voit sa population changer, se renouveler au "détriment" de l'ancienne San Francisco que connaissait Jimmy. Il n'est pas littéralement le dernier homme noir de San Francisco mais son attachement à la San Francisco qu'il a connue lui fournit un regard avisé sur les changements qui s'y déroulent. La conscience de cette situation de changement lui fera rétorquer à une femme exprimant sa haine envers la ville : "Vous ne pouvez pas détester quelque chose si nous ne l'avez pas aimée dans un premier temps". En ce sens, dans sa vision des choses, Jimmy Fails serait le dernier homme de San Francisco à porter attention à la notion de "chez soi" ; ce sanctuaire qu'il faut aimer. Et cette notion de maison sanctuaire irrigue aussi par petites touches tout le film, que ce soit à travers une voiture aménagée en petite maisonnée mobile, ou une salle à manger choisie par Montgomery, le meilleur ami de Jimmy, comme "sa" pièce dans la maison construite par le grand-père de Jimmy.
Mais qu'est-ce qu'une maison sans famille ? Et là aussi les choses sont compliquées pour Jimmy Fails ; vivant chez son meilleur ami, dormant au pied de son lit, un père lointain, une mère quasiment absente croisée au hasard dans l'un des nombreux allers-retours entre San Francisco et la maison du grand-père de Montgomery (la maison bleue du titre ! Pas l'autre). En tout cas sa tante est présente. Elle gardait les meubles qui rempliront un peu la maison squattée par Jimmy Fails. Dans cette famille il y aussi la bande de jeunes posée sur les trottoirs ou sous un arbre devant chez le grand-père de Montgomery. Des garçons de la street qui nourriront un moment tragique du récit. Il y a donc beaucoup de personnages qui donnent de la substance humaine à la ville de San Francisco.
Et puis il y a l'amour. Ce sentiment qui traverse à l'évidence Jimmy Fails. L'amour inonde ses comportements mais tout en retenue. Cette amour pour sa ville et aussi son idéal, une quête intérieure qui aurait été avortée sans ce sentiment. Montgomery, l'ami de Jimmy Fails apparait comme le prédicateur de l'amour au travers de cette phrase prononcée : "je ne devrais pas les apprécier parce qu'ils sont méchants envers moi ?". Le genre de phrase qui fait très Jésus sur la croix. Mais au final il me semble que c'est bien Jimmy Fails le prêcheur de l'amour, ce sentiment qui est tellement distordu dans ce nouveau San Francisco que les gens ne savent plus aimer "comme il faut" et donc respecter l'endroit et ceux qui les entourent à l'image d'un groupe de jeunes, bières à la main, dans un trolley, raillant un nudiste (oui bon peut être qu'en plein San Francisco on n'irait pas montrer de l'amour envers un exhibitionniste mais c'est à travers ces petits moments étranges que le film convoque les plus forts sentiments).
A la fin le prêcheur prend sa barque et quitte San Francisco. Jimmy didn't fail to move us.