Cette année, ou plutôt en mai 2016, il était de bon goût de cracher son venin sur le dernier film de Sean Penn. "Une honte", "d'un mauvais goût à vomir", "une pub ridicule pour Dior et Apple" et j'en passe... Beaucoup se choquent de voir une histoire d'amour traitée sur un pied d'égalité avec le portrait d'un conflit sanglant et abominable. Qu'il est indécent de passer d'une scène érotisante à une autre où un gamin se suicide ne voulant pas tirer sur son père sous la pression d'un groupe rebelle. Qu'Hollywood montre ses limites à vouloir se donner une image bien-pensante et dégoulinante d'auto-satisfaction.


Il y a beaucoup de choses à reprocher au film. Sa maladresse, son côté cul-cul malgré les atrocités dont on est témoin, mais surtout le regard des autres. Pour moi, ce n'est pas un ratage complet et encore moins une indignation dont le seul avenir serait de servir de papier toilette.


Est-ce que le fait de réduire la critique à l'intrigue amoureuse et en quoi elle est à vomir dans le contexte présent n'est pas une manière de se voiler la face, ou tout simplement de se dire qu'on est bien-pensant parce qu'on aura reproché cette mise en avant de deux Occidentaux dans un paysage ravagé où les vraies victimes seraient mises de côté et accessoirisées pour glorifier les grands sauveurs des ONG? Est-ce que pendant un instant on peut se demander pourquoi Sean Penn a voulu faire ce film, alors que lui-même est très actif auprès de ces organismes?


Dire qu'il se fout complètement de la gueule des réfugiés et passe à travers de son propos est exagéré. La vision qu'on a d'un film est presque toujours fixée dans les premières minutes et il est dur de s'en extirper. À partir du moment où on ne voit que ce qui ne marche pas ou ce qui nous dérange, on ne fait attention qu'à cela tout le long. D'une certaine manière je comprends ceux qui l'ont détesté, car le plus facile est de le détester évidemment.


Alors pourquoi je l'ai apprécié? Déjà, ce n'est pas grâce à l'image à moitié floue dans les interactions entre les deux amoureux ou même les personnages secondaires inutiles et sous-développés. Mais au fond, j'ai trouvé la tentative de laisser un témoignage sur ce genre de guerres qui font encore partie de l'actualité mais dont personne ne parle dans les médias admirable. Son point de vue est assez juste étant donné que Sean Penn n'est pas un habitant victime d'un conflit, il est donc normal qu'il parle uniquement de ce qu'il connaît. Les priorités des personnages peuvent paraître déroutantes, mais il faut se rappeler que ce sont des gens en mission, ils ont des priorités à l'Occidentale et un train de vie à l'Occidentale. Ils sont en vie, et ne peuvent aider les autres que si ils se sentent en vie et continuent de garder leur sang-froid malgré les épreuves et la souffrance de ceux qu'ils aident. Ce ne sont pas des héros, ils font ce qu'ils peuvent avec ce qu'on leur accorde, et doivent faire des choix de vie ou de mort dont personne n'aimerait être responsable. Alors oui il y a clairement un appel aux dons avec ce film, mais pas uniquement. Tout l'argent du monde ne suffit pas à régler un conflit installé et enraciné dans la violence dès le plus jeune âge. Il y a un fatalisme dans cette histoire, une impression constante d'être inutile tout en voulant bien faire. Finalement, on peut se dire à quoi bon? Le discours de fin, s'il peut paraître naïf au premier abord, ne fait que souligner l'impossibilité de voir un jour se résoudre tous les conflits du monde, qu'on est condamné à rêver et devoir abandonner son rêve tôt ou tard.


À partir du moment où on peut accepter cela et donc tolérer la romance certes maladroite et cul-cul sur les bords mais touchante malgré tout, il m'est difficile de descendre The Last Face et d'en dire nécessairement du mal.

RLTH
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le 12 janv. 2017

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