Intimes chaos relationnels
The last family, sans être un film biographique, trace le portrait d’une famille dysfonctionnelle et interroge sur le rôle des images d’un quotidien déréglé. Jan P. Matuszynski dénude de tout...
le 6 avr. 2018
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Ce film reflète à peu près l’image qu’on se fait du cinéma polonais (voire de la Pologne) : quelque chose de morne et de déprimant.
En effet, ce n’est pas la fête. Par le cadre de l’histoire d’abord : le ciel est gris, il pleut, le film s’ancre dans la banlieue de Varsovie entre les années 1980 et les années 2000, les espoirs déposés dans le communisme sont définitivement enterrés, et les couleurs du film expriment cette atmosphère cafardeuse.
J’ai commencé par trouver le film inutilement trop sombre et sa fin inutilement méchante, avant de me souvenir que le film « est tiré de faits réels », comme le veut la formule consacrée. Les personnages dont il est question ont existé, et les faits les plus importants de l’histoire ont eu lieu. J’ai alors compris (ou cru comprendre) où le film voulait en venir : il tient un discours sur la réalité de la tragédie de l’existence humaine, et ce qu’on fait de cette tragédie.
Mais le film tient en fait le tragique à distance : il est outrancièrement morne, et joue d’une ironie morbide, si bien qu’il n’est pas tout à fait désespérant. Ou de moins, il joue de son désespoir : le lugubre de la chambre de la grand-mère agonisante est renforcé jusqu’à l’excès, puisqu’elle est décorée par les toiles apocalyptiques de Zdzisław Beksiński.
Ce personnage incarne d’ailleurs cette mise à distance du désespoir : ses toiles sont lugubres, mais lui l’artiste est lumineux, jamais triste.
The last family est plutôt un film sur la névrose. Elle n’est pas spectaculaire chez Zdzisław Beksiński, le peintre polonais, mais néanmoins très présente : il consacre (discrètement, mais assurément) sa vie à son œuvre, il est passionné, exalté, et déconnecté du reste. Son entourage semble en souffrir : il est parfois cruel sans s’en rendre compte, par exemple lorsqu’il filme les larmes de sa femme, car tout est pour lui prétexte à faire des images, même la souffrance de ses proches. Mais c’est un beau personnage, qui n’est pas aussi fermé aux autres qu’il en a l’air : il s’entretient avec son fils une longue séquence au format DV où affleure son intérêt et son amour pour son fils.
Son fils, justement, est l’élément le plus déséquilibré du film : il va mal, ne trouve pas sa place (au regard de son père, au regard de ses maîtresses). Je l’ai trouvé agaçant, car trop monolithique, mais sa trajectoire fascine. Surtout, il a le bon goût de dynamiter le récit qui sans lui aurait pu finir par ennuyer.
Ses deux pôles névrosés sont tout de même balancés par une instance de régulation : la mère, dont on comprend peu à peu l’importance, jusqu’à sa mort. Ce personnage semble d’abord annexe, c’est seulement a posteriori qu’on comprend sa centralité : c’est peut-être le personnage le plus important du film, l’héroïne discrète grâce à laquelle la famille n’est pas tout à fait dysfonctionnelle.
Elle permet l’existence d’un lien dans la famille, aussi curieux soit-il. Tout n’est finalement pas si sombre, et si l’amour familial n’est pas spectaculairement présent, il existe néanmoins. Une belle scène l’illustre : la caméra se tient derrière une bibliothèque, assez loin d’une table autour de laquelle la famille est réunie. Ils sont simplement et calmement ensemble, dans un coin du cadre.
Créée
le 22 janv. 2018
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