Turn off
Le rideau se tire avec ce film de Altman. Bien souvent les derniers œuvres d'un réalisateur ne sont pas les meilleurs, pour ne pas dire qu'elles sont rarement des réussites voir même fortement...
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le 13 févr. 2023
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"A Prairie Home Companion" est une cible facile. C'est la dernière œuvre d'une figure-clé du cinéma et dès lors le spectateur en veut pour son argent. Comment sera le bouquet final ? Sera-t-il à la hauteur de ce qui l'a précédé ? Synthétisera-t-il l'esprit de l'artiste ? Serons-nous en présence d'un énième redite ou aurons-nous une incursion en territoire inconnue ? Beaucoup de questions et une attente qui grandit à mesure que nos interrogations se multiplient.
Le film, dont le titre de travail était "The Last Show", dépeint une émission de radio country qui produit son dernier épisode en live. Entre moments musicaux et intrigues en coulisses, on retrouve tous les éléments typiques du réalisateur : du choral, de la country et des travelling optiques. Mais voilà, c'est trop facile. Les parallèles entre le film et la carrière d'Altman sont aisément traçables. Toutes les caractéristiques sont là, on a du mal à voir au-delà de ce que notre regard connaît déjà. Et notre amour prend un goût rance, le film se termine et nous n'avons pas eu notre dose. Ce sera "un Altman mineur" et il n'y aura pas grand chose d'autre à dire. Clap de fin. Ajout du film dans notre liste des meilleurs films de Robert Altman, déplacement jusqu'au bas de la page.
Pourtant, à ranger vite fait "A Prairie Home Companion" dans ce que l'on connait déjà, on laisse de côté tout ce qui détonne de nos habitudes de vision. Comme par exemple, le fait qu'il est étonnant de voir un homme habitué à prendre la position du scrutateur des vies enchevêtrées, du pourfendeur du politiquement correct, tirer des conclusions d'une légèreté presque frustrante. La douceur de l'atmosphère énerve, on est pris là où on ne le voulait pas. Comme s'il avait compris quelque chose que nous n'avions pas capté. On sort alors l'artillerie et on tire sur l'ambulance. Mais c'est trop tard, le film est terminé, Altman est déjà mort et il doit bien rire dans sa tombe en voyant ses spectateurs fulminer devant un curieux "dernier millésime". Reléguant le cinéma à l’œnologie, discipline par excellence que l'on souhaite tous maîtriser mais qu'on ne creuse jamais vraiment, puisqu'il suffit de sortir ses deux centimes de culture au restaurant pour donner l'impression qu'on sait de quoi on parle.
Peut-être être ça qui attise la haine. Une œuvre qu'on ne sait pas trop par où prendre, alors on opte pour l'autoroute : c'est une fin de carrière, c'est un chant du cygne, ça parle de la finitude. C'est pourtant une drôle d'interprétation de celle-ci qui nous est offerte. Le présentateur évoque qu'il n'aime ni les élégies, ni les silences à la radio. Il prend chaque émission comme étant sa dernière émission.
Pourquoi s'embêter à parler de la fin, à lui donner une place et une substance, quand c'est plutôt la fin qui parle pour nous, qui parle de nous ? La country tient son charme dans une certaine atemporalité, dans un monde figé où tout est à sa place, où l'on sait déjà de quoi vont parler toutes les chansons. On se complaît dans une nostalgie bien cadrée d'un passé sucré. Bien sûr on se trouve parfois un peu seul dans nos soucis mais nous savons au moins que cette solitude est partagée, qu'il restera toujours la radio comme compagnon.
Quelle invention tout de même, la radio. Comment expliquer une telle fascination pour la voix ? Surtout pour quelqu'un comme Altman, qui aime tant la capter dans sa multitude. Malraux disait que la culture c'est l'ensemble des réponses mystérieuses que peut se faire un homme lorsqu'il regarde dans une glace ce qui sera son visage de mort. La véritable émission a duré dix ans de plus, son présentateur n'a cessé de proclamer sa retraite pour régulièrement revenir sur scène. C'est un peu ça la vie aussi : on dit des choses et puis on fait l'inverse.
Je sais même pas trop ce qui m'a fait tenir devant "le dernier film de Robert Altman". A vrai dire je crois que je m'en fiche un peu. Ce qui ouvre la voie vers une ébauche de réponse. Et si Altman avait découvert, "au crépuscule de sa vie", que finalement on pouvait se satisfaire de soyeusement mettre en image des voix que nous aimons tant capter ? Une réponse bien banale à une question si vaste. Effectivement, cela mérite des baffes.
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Créée
le 30 déc. 2022
Critique lue 4 fois
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