(ultra) Light my fire
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le 18 déc. 2019
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Bloqués pendant des semaines sur une île paumée au milieu de nulle part,Thomas, un vieux gardien de phare et Ephraïm, son jeune assistant, vont chacun éprouver à leur manière les affres de la misère affective et composer comme ils peuvent avec leur frustration sexuelle.
Le premier, campé par un Willem Dafoe au meilleur de sa forme, mélange de capitaine Haddock et de capitaine Achab, érige le phare lui-même en objet transitionnel de choix. Construction phallique au centre de toutes les attentions - il s'agit contre vents et marée de maintenir la flamme allumée - le phare et sa lanterne magique deviennent le lieu privilégié de sa jouissance autant que de sa toute puissance. Nuit après nuit, reclus dans la plateforme supérieure, le vieux livre son corps à une créature dont on ne saura jamais si elle relève du fantastique (élément surnaturel) ou de la fantasmatique (situation imaginée). Car la seule chose que l'on aperçoit furtivement est un tentacule. En soi, trouver un tentacule à ce stade de l'histoire n'a rien de surprenant car, il faut le dire, le tentacule ne manque pas d'arguments en matière de fantasme. Les Asiatiques en savent quelque chose, qui l'ont mis à la sauce érotique depuis déjà bien longtemps en attestent ces estampes où pussy et octopussy font des rimes croisées. Déjà, dans La Région Sauvage, le film d'Amat Escalante, c'est un poulpe d'outre espace qui en faisait voir de toutes les tentacules à celles qui, acculées dans son antre de fortune, découvraient l'extase ventousatoire. Et, toujours venant de l'espace mais plus prosaïques dans leur moeurs, les pieuvres polyglottes de Premier contact ou celles, pacifiques de Monsters, prouvaient qu'il n'y a pas que le langage de l'amour que les céphalopodes savent maitriser.
Bref, le vieux en pince pour la ventouse.
De son côté, le jeune a fort à faire avec une autre figure très classique de l'érotisme marin : la sirène ! D'abord sous forme d'une petite statuette en os oubliée dans son matelas par son prédécesseur, puis d'une "véritable" femme-poisson échouée sur le rivage qui ne tarde pas à vampiriser les nuits d'un Robert Pattinson qui s'en trouve tout (é)branlé.
Dans sa dernière ligne droite, le film se cantonne à montrer l'irréversible déchéance psychologique des deux hommes livrés à un alcoolisme compulsif. Car l'un comme l'autre finissent par préférer la binouse aux ventouses et les empoignades viriles à l'onanisme solitaire. Ça picole et ça castagne. Ça tise et ça vocalise. Ça suce du goulot encore et encore et au diable la dignité, les deux hommes frôlant à force d'enivrement, l'accolade amoureuse. Mais alors que le film aborde ici une thématique qu'il eut été intéressant de creuser, comme dans Wake in fright de Ted Kotcheff, il s'enferme à ressasser la dégradation morale des deux protagonistes. Jusqu'à épuisement.
Quant au spectateur, il ne sait pas très bien à quoi il a assisté. Sur la forme, à un sacré numéro d'acteurs et côté esthétique, à un noir et blanc charbonneux en format carré assez réussi. Mais pour ce qui est du fond, The Lighthouse ne réussit jamais à prendre complètement de la hauteur et, c'est un comble, donne l'impression de finir en queue de poisson.
Un film singulier qu'il reste intéressant de découvrir.
Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 5/10
Réalisation/mise en scène : 6/10
6.5/10
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Créée
le 24 déc. 2019
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