Tu as créé ton profil sur “adopteunmec.fr” ou au contraire tu as rejoint le groupe des « célibataires et fiers de l’être » ? Le film caricatural « the lobster » est fait pour toi !
A l’heure où les médias forcent les stéréotypes simplistes à coup de slogans publicitaires pour se démarquer les uns des autres, « The Lobster » pousse la simplification ambiante. Il réduit la liste prédéfinie des statuts facebook à deux options : « Marié » ou « solitaire ». Dans l’univers du film, l’option « marié » est obligatoire : si par malheur tu ne l’es pas, un hôtel psychiatrique all in permet le reformatage intégral des célibataires en seulement 45 jours. A terme, tout électron libre qui résiste est éconduit hors du champ et transformé en l’animal de son choix. Moment prémortuaire où l’homme se connecte pour la première et dernière fois à son libre arbitre.
David, un célibataire moustachu joué par Colin Farrell, est le fil conducteur de l’histoire. Interné à l’hôtel, il court-circuite son séjour et s’enfuit dans la forêt rejoindre le camp des hors-la-loi célibataires. Une sorte de version crackée du système A (le club "en couple") où les mêmes balises totalitaires sont d’application : au même titre que les mariés, les célibataires sont confinés dans leur statut de « solitaires » sans accès à l’accouplement, ni même à la tendresse. Sous peine de se faire amputer des lèvres.
En plus de dresser avec une froideur maîtrisée deux mondes manichéens mariés/solitaires dépourvus de nuances, le réalisateur Yorgos Lanthimos monte deux systèmes sans pont, qui s’excluent l’un l’autre. Pire qu’un ordinateur à l’arithmétique binaire, la coexistence 1 – 0 n’est même plus envisageable : c’est l’un ou l’autre. L’hôtel matrimonial ou la forêt des vierges. La robotisation et la simplification maladive de la société sont ici poussées à l’extrême, réduisant la complexité du réel en une seule case.
Au delà du sens, la forme du film est elle-même coupée en deux : la première partie se passe dans l’hôtel, la deuxième partie dans la forêt, avec peu de va-et-vient. A l’image des deux mondes isolants, le courant ne passe pas d’une séquence à l’autre. Les idées originales lancées par le réalisateur manquent de répondant dans la deuxième partie. L’ambiance clinique et militaire superbement plantée au début s'essouffle et tourne finalement à vide, n’ayant d’autre utilité que de se produire elle-même. Les fils restent débranchés sans faire sens et ne transmettent pas l’étincelle finale tant attendue. Le spectateur n’attend heureusement pas trop longtemps : une demi-heure avant la fin du film, il a déjà déconnecté.