Ok. Bon, on va se poser cinq minutes. Une grande inspiration, et c'est parti. Ce genre de film où l'on regarde son voisin dans le blanc de l’œil lors de l'arrivée des crédits, se demandant d'un air songeur comment décrire la sensation dans laquelle on se trouve.
Ce semi malaise est du au ton très particulier qu'adopte The Lobster. Passé le temps d'adaptation à la réalité alternative dépeinte ici, on se surprendra en effet à rire -un peu coupablement certes- aux situations improbables dans lesquelles le personnage de Colin Farrel est soumis. L'absurdité et l'horreur bien réelle de certaines situations sont tellement poussées à leur paroxysme qu'elles en deviennent ridiculement drôle. Car dans ce monde, les relations amoureuses sont une obligation: toute personne célibataire est emmenée dans un hôtel où elle aura 40 jours pour trouver l’âme sœur, faute de quoi elle se verra changée en l'animal de son choix.
Mais au delà de la critique assez évidente qui est faite des relations amoureuses, la réflexion est plus spécialement centrée sur la capacité de l'homme à se persuader d'aimer pour échapper à sa propre solitude, jusqu'à en ignorer son identité. Aucune réponse n'est donnée pour résoudre cela, pas de manichéisme entre les deux camps, celui de la société ou celui des "Solitaires", une bande de rebelles aux actions très discutables. Les relations sont biaisées dans les deux cas.
Au delà du scénario, l'image est très travaillée. Les plans sont minutieusement pensés, notamment au niveau du travail sur les couleurs et la profondeur. Certains plans dans la forêt sont d'une beauté très poétique, il s'en dégage une ambiance tamisée et accueillante. L'utilisation de ralentis est aussi bien pensée, renforcés par une musique qui convient à chaque instant, d'une tonalité presque malsaine.
Les seuls reproches que j'aurai à faire sont le jeu des acteurs qui est parfois très impersonnel et sans caractère. L'écriture des dialogues fait assez fausse par endroit et peut faire sortir du film. Par ailleurs, toute l'histoire est basée sur le postulat de cette société fictive, j'aurai pensé qu'elle allait plus s'en détacher mais ce n'est pas le cas.
Surréalisme de bout en bout, ovni cinématographique, métaphore permanente... Bref, un film qui ne plaira pas à tout le monde mais qui vaut quand même le détour !