The Lobster c'est avant tout une manière de filmer, un style, une ambiance. Celle d'un hôtel glacial ou se tissent des rapports intéressés, faux, et où même l'amitié semble vouée à l'échec. Il m'a rappelé The Grand Budapest Hôtel, dans l'attitude des personnages, l'absence de tabou et le sérieux constant des protagonistes (ce qui plutôt drôle d'ailleurs).
Un film déconcertant, glacial, figé. L'image du couple telle que présentée dans nos sociétés est totalement détruite. Celle de la famille, également : l'enfant n'est que le piment qui permet le renouvellement et l'apport d'une nouvelle intensité dans ce couple qui doit absolument durer : il en va de la vie des "partenaires". "Partenaires", et non pas "Tout" ou "Paire", dans une recherche de la performance, de la rentabilité. Ainsi chacun est associé à une personne selon des caractéristiques communes aussi absurdes que le fait de boiter par exemple.
Le couple ne devient que simple apparence et moyen égoïste de subsister, en opposition avec cette importance de l'amour, du sentiment, aujourd'hui. L'amour dans The Lobster, n'existe pas. Ou si peu, et même pas cité explicitement. C'est plus un semblant d'amour, certainement de la part de deux êtres qui refusent cette société malade et qui, attirés par des caractéristiques communes, croient s'aimer. La fin d'ailleurs laisse un grand point d'interrogation sur cet "amour", est-il réel ou simple acte de rébellion ?
Rébellion face à la société dépeinte dans le film, où le couple, sanctifié doit se soumettre à tous les diktats sociétaux : alors qu'il est supposé rapprocher et libérer les êtres, il ne fait que les rendre plus enfermés et névrosés.
Rébellion aussi face à la résistance, à l'ensemble des "solitaires" qui refusent le système mais se sont retranché dans un autre aussi cruel et inhumain.
L'amour ainsi, pour se consoler d'un monde aussi "pourri", de quelque côté qu'on puisse tourner le regard : système et rebelles sont semblables. Un simple baiser aboutit à une lacération d'un côté et un grille-pain punit une masturbation de l'autre.
A-t-on vraiment raison de se croire supérieurs, en tant qu'Homme, semble nous questionner Lánthimos ? Et ceci alors que les Hommes sont si égoïstes dans leur rapport à l'autre : au couple, à la famille ? L'Humanité est-elle si enviable, comparée à l'Animalité ?
On peut se poser cette question, de fait le film, à travers un personnage que cette société, ces interdits, cette morale ont rendu tout à fait exempt de compassion. Et au final dans quel but, autre que celui de survivre, de gagner quelques jours de plus ? A quoi sert réellement cette vie si elle est vécue si personnellement mais en même temps si définie par les autres, si programmée ?
En définitive, The Lobster est un film dérangeant dans la forme et le fond, servi par une photographie parfaite, de bons acteurs, des rapports "humains" glaciaux pendant l'intégralité du film et une fin qui laisse pensif.