--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au vingtième épisode de la cinquième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Secret_of_the_Witch/2727219
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Et c’est ainsi qu’arriva sur mon écran le film que j’attendais le plus du mois. Car oui, plus encore que de voir Suspiria, je mourrais d’envie de savoir si Rob Zombie était aussi génial sur écran que sur scène. C’est donc un peu déçue que je donne mon verdict ce soir, car si l’univers incroyable de l’artiste est bien là, il n’est pas si efficace dans son expression pelliculée que dans ses variations sonores.
Rob Zombie est un artiste unique, à la fois intensément métal et intelligemment démesuré. Puisque sa cinéphilie s’exprime dans ses titres musicaux et dans ses performances scéniques, il est tout naturel de retrouver sa passion pour la musique dans son film. On suit donc dans ce film une animatrice d’une radio locale de Salem qui plonge lentement vers les ténèbres suite à la découverte d’un mystérieux morceau, enregistré par le non moins mystérieux groupe baptisé The Lords. Le film avance tout en douceur, comme voulant imiter la langueur dans laquelle la lancinante musique semble plonger ses auditrices. Le rythme est fin, l’étrangeté omniprésente, l’angoisse sous-jacente. En glissant l’anomalie dans les scènes les plus ordinaires (Heidi nourrit son chien, Heidi va à l’église, Heidi prend le thé chez sa voisine. Oui, le personnage s’appelle vraiment Heidi), Rob Zombie crée un climat de malaise et d’insécurité omniprésente. Du moins au début, car le défaut flagrant du film est de recourir sans arrêt au « en fait c’était un rêve », ennuyant une fois, agaçant la deuxième, et rendant le spectateur carrément hostile à partir de la troisième fois. C’est dommage, car la fin aurait pu être colossale, dramatique, inéluctable et hallucinante -d’ailleurs je pense bien qu’elle est tout ça à la fois-, mais je n’accordais déjà plus à ce moment là aucun crédit aux scènes de mysticisme et de surnaturel. Le scénario est plus globalement un peu faible, s’appuyant trop facilement sur des personnages ridiculement soumis à l’inéluctable, incapable de se défendre, de s’interroger ou de se rebeller contre les forces du mal. Passer l’entièreté d’une séquence se voulant horrifique à crier à son écran « mais fais quelque chose crétin ! », c’est certainement que le film est passé à coté de son intelligence.
C’est d’autant plus dommageable que le film est garni de talent. La photographie est remarquable, avec sa gestion expressive de la lumière – et surtout de l’obscurité. La bande son est à la hauteur de ce qu’on peut attendre d’un réalisateur musicien. De ses scènes de radio au dynamisme incroyable, aux silences oppressants, en passant bien entendu par ce thème musical obsédant, reprenant inlassablement les quatre mêmes notes en boucle, rendant chaque variation un peu plus glaçante que la précédente.
Malgré tout, je ne peux empêcher un goût de déception de flotter sur ma langue après le visionnage. Tout était impeccablement fait, mais tout semblait un peu gratuit, comme si le réalisateur lui-même ne faisait pas vraiment confiance à son scénario et à ses personnages. Finalement peu de choses trouvent une raison d’être, des apparitions terrifiantes de la sorcière dans la cuisine de Heidi, aux incarnations saugrenues du diable. On reconnaît là tout le talent de Rob Zombie (la sorcière définitivement gothique, les deux aspects du diable a chaque fois ridiculement exagéré), mais ça ne débouche sur rien, l’histoire n’avance pas avec ça, le personnage n’évolue pas. Le film finalement laisse l’impression amer d’avoir été une succession de tableaux, certes très jolis, mais finalement assez inutiles.