En voilà un métrage qui s'éloigne du registre habituel de monsieur Zombie. Exit les personnages marginaux et repoussants ,les familles détraquées, malsaines et non-conventionnelles, la violence gratuite, la vulgarité à outrance. "The Lords Of Salem" est un film atypique dans la carrière du réalisateur.
Zombie revisite non pas le procès de Salem, parce que l'histoire y est transposée à notre ère et que la fréquence de ces scènes y est assez limitée, mais plutôt l'histoire de sorcière classique, ayant juré de se venger, au sein d'une oeuvre rendant hommage au cinéma satanique et paranoïde, et signant un quelconque film d'auteur.
Rob quitte une de ses décennies fétiches, les seventies, pour se lancer dans une intrigue se déroulant de nos jours, et de ce fait, ayant une liberté artistique totale , nous livre un film-hommage quelque peu expérimental décevant, qui n'arrive jamais à la hauteur du potentiel de l'intrigue.
The Lords Of Salem est lent, très lent. Pas soporifique, mais somniférique sur le long terme. On y voit une véritable envie du réalisateur de se démarquer de ses précédents films et démontrer l'étendue de son talent et sa capacité à se diriger vers d'autres horizons.
Heidi est la protagoniste principale, jouée par Sheri Moon, la superbe femme du réalisateur, qui dirige avec deux autres personnages une station de radio. La musique est la valeur centrale du film: Les personnages sont des DJ, la musique est aussi un intermédiaire pour faire revenir les sorcières dans le quotidien banal et routinier de Heidi.
Routinier , car il se montre aussi palpitant que les scènes qui la mettent en avant. De plus, l'intrigue n'appuie pas assez les scènes dans la station de Radio, qui se révèlent anecdotiques, tout comme les scènes adaptant le procès de Salem, maigrelettes.
La qualité essentielle du film, et ce qui fait qu'il ne plonge pas dans l'indifférent et le commun est sans conteste sa réalisation. Léchée, malgré une photographie un peu trop sombre, qui contraste cependant avec certaines scènes iconiques et symboliques (La croix rouge-Flash dans la chambre avoisinante celle de Heidi.)
Le principal souci, c'est au niveau du scénario: le film n'exploite pas tout le potentiel qu'il a de base. Le scénario est vraiment intéressant, il est donc regrettable qu'il manque de profondeur à ce point. Les bonnes idées y sont mal disséminées et les points-clés ou situations iconiques sont trop peu appuyées (en résulte, par exemple, un final sans grand impact.Ou encore cette histoire d'amour qui n'aboutira pas et aurait pu donner quelque chose de nouveau étant donné que les personnages ont leurs personnalités propres, une relation en marge d'histoires d'amour redondantes et classiques.)
Outre le scénario et en dépit du visuel, le second souci concerne l'ambiance. Les plans sont très travaillés mais le tout est traité avec tellement de légèreté qu'il n'arrivent pas à concevoir une ambiance anxiogène, une atmosphère suffocante (Les lieux étant globalement touts globalement restreints) et sombrent dans une morne.
The Lords Of Salem avait beaucoup pour plaire. Malheureusement, son traitement le fera basculer dans une oeuvre sans grande vie, transpirant la référence au genre (Les plans dans le couloir à la "Shining", la symbolique du démon en soi (Rosemary's Baby) et même le plan du "voyage dans la lune" du pionnier Méliès, tapissé sur le mur derrière le lit de Heidi, dans sa chambre) sans jamais rivaliser avec, dénué de scènes iconiques fortes (Une véritable représentation de la conception de l'enfant d'Heidi, ou d'une analogie sexuelle forte d'un rapport sexuel avec le Démon auraient été non négligeables.)
The Lords Of Salem est comme un plat gastronomique: Joli visuellement, savoureux, mais dépourvu de quantité suffosité pour étancher notre faim. Gageons que notre Rob Zombie nous revienne en force avec "31" qui semble déja dans la lignée de ce qu'il a fait par avant. Encore une oeuvre qui semble témoigner d'une certaine période, tout en sachant que ses parents travaillaient dans l'univers des Freaks et qu'il en est fasciné. Espérons un retour aux sources, au bon vieux sang qui tâche, au "gore and roll" avec cependant un peu plus de subtilité, du neuf et davantage d'intelligence. (Non, Rob n'est pas con, loin de là!) C'est un véritable monsieur du cinéma, passionné, talentueux et qui gagnera en notoriété si il s'ouvre sur le cinéma. En témoigne son envie de réaliser un biopic sur Groucho Marx...