Il n’aura fallu à Rob Zombie que quatre films sinon trois pour s’imposer comme l’un des nouveaux masters of horror de sa génération. Après avoir tenté vaille que vaille de concrétiser un ambitieux remake de The Blob, le cinéaste va mettre un point ferme et définitif à sa collaboration avec les frères Weinstein. Cela tombe bien puisque Jason Blum et son acolyte Oren Peli vont lui proposer de lui produire un projet qui lui tenait particulièrement à coeur. Désireux de se réapproprier le mythe des sorcières afin de laisser libre cours à ses délires psychédéliques et excès graphique de toutes sortes, son choix se portera sur The Lords of Salem, un film d’horreur expérimental qui puise son inspiration dans certains classiques des années 70 comme Rosemary’s Baby auquel il fait intimement référence. Seulement, comme toutes les productions Blumhouse, la liberté à un prix. Celle d‘un budget restreint ce qui conditionnera en partie son échec même si celui-ci est à mettre au crédit d’un développement chaotique lié à la disparition de l’acteur Richard Lynch en plein cours de tournage ce qui obligea le réalisateur a modifier sa feuille de route. D’autre part la mauvaise réception du public dans les festivals finira par sceller le sort du long-métrage qui connaîtra une exploitation pour le moins calamiteuse à l’international.
Autrefois réputé pour ses célèbres feux de la St Jean où l’on célébré les procès de l’inquisition en cramant des féministes que l’on croyait mangeuse d’enfants, la ville de Salem accueille désormais la station de radio locale WIQZ Salem Rocks et son équipe de bras cassé de la Big H Team férus de métal et de musique païennes. Lorsque Heidi diffuse un étrange vinyle des Lords of Salem à l’antenne, elle est alors prise de céphalées non seulement parce que la musique est à chier mais aussi parce qu’elle a du mal à se remettre des excès hallucinogènes de la veille. Mais comme la partition est tout de même cent fois plus envoûtante que du Jul’ ou du Aya Nakamura, la DJ va s’entêter et continuer de l’écouter pour habituer ses oreilles à cette bouillie sonore afin de comprendre de quoi il en retourne puisqu’un concert sera organisé par le groupe à la fin de la semaine. Mais peu à peu ses cauchemars vont s’intensifier tandis qu’une présence insidieuse et malfaisante va envahir son intimité. Serait-ce dût à sa consommation de psychotropes ? Ou bien lié à la présence d’une trinité de sorcière qui vit dans le même immeuble qu’elle ? Mystère et boule de gomme, et nous suivrons la lente descente aux enfers de cette héroïnomane à dreadlocks qui finira par s’offrir corps et âme au démon. Si le choix d’offrir le rôle principale à sa muse et fidèle épouse Sherri Moon Zombie avait de quoi inquiéter en raison de ses minauderies dans La Maison des 1000 Morts et The Devil’s Rejects, le fait est que l’actrice s’en sort finalement plutôt bien, d’autant que le film repose en grande partie ou presque sur ses frêles épaules et sa capacité à simuler une folie latente qui aurait aisément pu tomber dans le cabotinage hystérique et excessif.
En voulant mettre l’accent sur son atmosphère onirique, Rob Zombie a pris le risque de laisser son public sur le bas côté. Il est vrai que le réalisateur nous avait jusqu’ici habitué à un cinéma plus viscéral et rentre dans le lard et la distribution bardé d’actrices (Barbara Crampton, Dee Walace, Meg Foster) et d’acteurs (Sid Haig, Ken Foree, Michael Berryman) issue du monde de la série bis/B et du cinéma d’exploitation ne laissait en aucun cas présager ce virage dans sa filmographie. Dans ses nombreuses influences, on citera volontiers Stanley Kubrick pour la forme dont il reproduit les prises de vues en steadicam ce qui lui permet d’insuffler un climat particulièrement anxiogène, mais également Roman Polanski pour les relations toxique entre voisinage et le fond schizophrénique. Le film fait également preuve d’une étonnante retenue dans ses effets même si on sent une volonté de vouloir absolument choquer le spectateur par une série d’images iconoclastes (crucifix retournées, rituels sataniste, masturbation et prêtre violeur) bien que ces séquences et ces quelques apparitions spectrales dans le champ censés nous horrifier ne seront jamais à la hauteur de sa mise en scène contemplative. Pourtant, le réalisateur restera raccord à sa ligne directive jusqu’au bout quitte à semer la confusion et à déjouer volontairement nos attentes afin de se réinventer et de s’éloigner des standards de la production horrifique de l'époque. Tout ces événements convergeront vers un final fantasmagorique convoquant une série de tableaux surréalistes, des processions de sorcières, un bébé mutant et quelques autres délires sensorielles. Certains n’y verront certainement qu’un bad trip nombriliste pseudo arty pourtant le cinéaste avait déjà opéré d’audacieuses ruptures de ton par le passé, que cela soit de manière plus délirantes dans les transitions de La Maison des 1000 morts, ou bien dans sa séquelle d’Halloween qui en avait déconcerté plus d’un comme ci la franchise ne pouvait se complaire que dans l’équarrissage. The Lords of Salem divisera c’est certain, tant il s’agit de l’oeuvre la plus singulière de son auteur pourtant réputé pour ses excentricités.
Tu veux ta dose de frissons et d’adrénaline pour Halloween ? Rends-toi sur l’Écran Barge où tu trouveras des critiques de films réellement horrifiques, situés à mi-chemin entre le fantasme et le cauchemar.