Il y a une sorte de mystère Derek Yee. Bénéficiant d'une aura conséquente chez les critiques et les amateurs du cinéma hong-kongais, je suis pour ma part largement dubitatif sur son Une nuit à Mongkok que j'avais trouvé très mal écrit et affreusement artificiel.
The lunatics, sa première réalisation, souffre déjà de ces défauts malgré une première moitié ambitieuse avec une approche sociale pas très éloignée du documentaire que n'aurait pas renié Ann Hui.
Yee s'intéresse aux laissés-pour-compte de la société hong-kongaise comme les SDF ou les handicapés mentaux en tournant en décors naturels et conservant une certaine intégrité dans le traitement qui se veut réaliste jusque dans les détails les plus glauques comme le père qui a enterré son enfant. C'est à la fois dur et poignant. Certains dialogues sont d'une étonnante justesse pour montrer le désarroi profond de ces militants face ceux qu'ils essayent de soutenir (sans l'appui du gouvernement qui semble totalement absent dans la réponse à fournir). La courte séquence avec le médecin sur le point de démissionner est à ce titre très forte, et ce en quelques secondes.
Sans doute pour aider le film à voir le jour et ramener des producteurs, les différents handicapés sont joués par des vedettes de l'époque (qu'on imagine bénévoles) : Chow Yun-fat, Paul Chun, Tony Leung ou John Sham dans des rôles plutôt courts dans l'ensemble mais marquant.
Sauf que Derek Yee qui signe seul son scénario ne peut s'empêcher de verser dans le sensationnel pour rendre son film plus commercial. La dernière demi-heure bascule dans le n'importe quoi surréaliste avec Paul Chun qui redevient totalement fou (pour avoir oublier une fois ses médicaments) et se transforment en psychopathe s'introduisant dans une école où il trucide à la machette les institutrices.
Le final est encore pire dans le tragique de pacotille.
Non seulement, c'est totalement idiot mais en plus c'est surtout complètement contre-productif et en opposition totale avec la volonté initiale d'humaniser et de donner un visages à ces marginaux. En sortant du film, on en vient à se dire qu'il faudrait tous les enfermer purement et simplement car trop dangereux.
J'ai rarement vu un film avec autant de bonnes cartes en main se planter à ce point dans sa dernière ligne droite.
Après ça vient donc peut-être de moi car le film jouit d'une grande réputation et existe à ce titre en blu-ray hong-kongais (le vieux DVD semble être épuisé). Curieusement malgré son casting accrocheur et ses nombreuses nominations aux Césars locaux, il reste inédit en occident.