Hitchcock du côté du mélodrame muet extrêmement classique : voilà un trait supplémentaire qui vient garnir le portrait du réalisateur que l'on cantonne souvent à son inclination pour le thriller avec caméo (il n'y en a pas ici). Sur le fond, rien de particulièrement novateur pour l'époque : un triangle amoureux se forment entre trois personnes, au sein duquel une des relations n'est pas connue du troisième. Il y a Pete le vaillant pêcheur, volontaire et gouailleur, Philip l'avocat promis à une grande carrière, et Kate, la fille du tavernier : des origines sociales très différentes, mais une amitié solide qui sera mise à rude épreuve par des rapports amoureux conflictuels.
Il n'y a pas vraiment de questionnement quant à la moralité (ou non) de la relation entre Philip et Kate, formée alors que Pete était parti à l'étranger "faire fortune" (et ainsi gagner du crédit aux yeux de son futur beau père) : en annonçant, certes à tort, que ce dernier avait été retrouvé mort, l'union entre les deux amants devenait tout à fait légitime. Le cœur des enjeux est entièrement contenu dans le fait que cette annonce funèbre s'avère erronée. C'est alors que l'encart initial prend tout son sens : "À quoi sert à l'homme de gagner le monde s'il perd son âme ?". Le ton du mélodrame était en réalité donné dès le début, et le film ne déviera pas de ce chemin tout tracé en direction de la faute et de l'expiation.
Le climax du film, alors que Philip est investi "deemster" (terme désignant un juge sur l’île de Man) et doit juger sa première affaire, est ratée : l'accent du mélodrame prend une proportion trop importante au point de devenir gênant, à trop tirer sur la corde d'un conflit moral quelque peu artificiel. On nous sert alors une soupe moralisante sur le thème du péché, sur les dangers du mensonges, etc. Un message d'une lourdeur dommageable (au-delà du fait qu'on a du mal à croire en la passion d'Anny Ondra pour le pâle Malcolm Keen au détriment du vigoureux Carl Brisson), qui vient entacher toutes les bonnes intentions du film, comme sa photographie d'une vivacité étonnante (presque expressionniste) lorsque éclate des révélations par une nuit d'orage, ou encore ses détails originaux : la ligne de dialogue sans doute la plus importante, à un moment particulièrement tragique (Kate y fait une révélation à son mari), ne s'accompagne pas de l'intertitre l'explicitant. Il faut soit lire sur ses lèvres, soit attendre de longues minutes avant de l'apprendre via l'intertitre suivant associé à un autre personnage. La séquence finale, où les amants s'échappent de l'île sous les huées de la foule, reste un très beau moment.