Amour, gloire et schizophrénie
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le 28 sept. 2016
Premier long métrage de l’artiste plasticien controversé Jake Chapman, The marriage of reason and squalor est un sommet de loufoquerie. C’est en fait la matérialisation d’un rêve, d’une longue peur, un fatras d’idées, de sentiments et de pensées produits par Lydia (Sophie Kennedy Clark), le personnage principal, qui se fait offrir une île tropicale par son fiancé. La belle se met alors en route, à la découverte de cette mystérieuse destination et à la recherche de cet amour auquel elle croit tant mais qu’elle n’a jamais rencontré.
A mi chemin entre la performance vidéo et le long métrage, ce film n’a pas vraiment d’équivalent. On pense bien sûr, outre Alice au pays des merveilles, au Festin nu, de Cronenberg, long trip à l’héroïne filmé sous forme de récit fantastique, ou encore à Enter the Void, qui suit la même logique (avec en prime l’idée des toilettes comme point de départ des « hallucinations »), mais tous se raccrochent plus ou moins à la drogue comme support narratif. The marriage of reason and squalor, plus audacieux, attaque la folie de front, il nous plonge sans ménagement dans le chaos synaptique le plus absolu.
Pourtant, ce qui est filmé reste relativement « normal ». Un trajet en charrette, une ballade dans la jungle, une partie de jambes en l’air… rien de bien fantasmagorique. Et pourtant, chacune des images semble tout droit sortie d’un autre monde.
La recette : c’est un peu comme chez Wes Anderson. Tout est conçu pour étonner, dans une optique totalement décalée, de la direction des acteurs au traitement des images en post-production.
Même s’ils font des choses simples, les personnages les font bizarrement. Cela se voit à leur diction, très largement exagérée, à leurs mimiques, surabondantes, et surtout à leurs yeux, étonnamment fixes et vides, comme recelant un grand mystère (cf : le perturbant regard du rastaman conducteur de la charrette).
Quant aux images, elles sont modifiées artificiellement pour donner un aspect onirique, comme par exemple les effets de surexposition sur le plan fixe (et récurrent) du volcan vu depuis la jungle, qui paraît si irréel. Le montage joue aussi beaucoup. Il se veut créateur d’égarement et de drôlerie. Certaines séquences sont tellement déjantées qu’elles en font rire, comme les fameux travellings latéraux dans la forêt où surgissent, épars, des inserts d’oiseaux, de caïmans, de poulpes…
Le résultat global est une formidable sculpture mentale, forgée dans la masse de matériaux cognitifs que produit le cerveau de Lydia en permanence. Du fond de sa misère, elle s’imagine qu’un mystérieux médecin va l’épouser, un certain Algernon, mais pourquoi tarde-t-il à venir ? Et pourquoi sent elle sa peau se décoller, pourquoi à t’elle cette impression de pourrir de l’intérieur ?
Avec toutes les interrogations qu’il parvient à créer, The marriage of reason and squalor affiche au premier abord une complexité déroutante. Or, en réalité, il n’en est rien. C’est tout simplement un scénario « classique » qui a été comme secoué dans tous les sens pour être totalement déstructuré, à charge pour le spectateur de reconstituer la part de rêve et celle de réalité, à la carte en quelque sorte.
Ce qui est beau et inhabituel, c’est cette capacité qu’a eu le réalisateur à donner chair et vie à des concepts, des émotions. Plasticien de l’invisible, il joue avec les couleurs, les costumes et les sons pour créer ce qui s’apparente à un beau plaidoyer contre le déterminisme social. Un médecin (la raison) et une fille détruite (la misère) peuvent finir ensemble, contre toute attente, de même qu’un homme laid peut coucher avec une belle femme et vice versa. Bon, mais comme indiqué plus haut, on est dans le registre du rêve hein…
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Créée
le 2 janv. 2017
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