Après une brève parenthèse hollywoodienne, (Stoker – 2014), Park Chan Wook revient en Asie pour y tourner l’adaptation d’un roman occidental (Fingersmith, de Sarah Waters) dont la trame colle curieusement bien avec le machiavélisme de ses débuts, notamment celui de sa trilogie de la vengeance.
La demoiselle, c’est Hideko, une jeune et richissime héritière cloîtrée dans une maison bourgeoise et que son propre oncle se prépare à épouser pour grossir sa fortune. Souhaitant dérober le magot au vieux tyran, un bel escroc (« le comte ») envoie sa complice se faire embaucher comme servante de Mademoiselle. Sa mission est de jouer les entremetteuses afin de la faire tomber amoureuse du comte.
Véritable bijou d’orfèvrerie scénaristique, Mademoiselle n’en finit plus de surprendre de bout en bout. Le récit se ponctue d’un premier twist à mi-parcours puis d’un second en fin de métrage auquel on pouvait difficilement s’attendre, le tout sans défaut de cohérence aucun. La science de l’imbrication des intrigues et de la déconstruction temporelle du récit qui avait fait toute la puissance d’Old boy est ici portée à son paroxysme.
On vit en quelque sorte deux fois le même film sous un angle différent sans pour autant que cela soit redondant. Bien au contraire, la très grande beauté plastique des images, tournées en cinémascope (optiques anamorphiques exploitant, bien qu’en 2D, la tridimensionnalité de l’image) rend la chose agréable, particulièrement dans les scènes érotiques. Un érotisme frontal, léché, mais jamais vulgaire, plutôt beau et excitant voire carrément unique. Rares sont en effet les scènes de cinéma où sont enchaînées plusieurs positions, en plans larges et avec accessoires…
Cette sexualisation du métrage sert avant tout à souligner l’intensité de l’histoire d’amour qui en est l’épicentre. Le véritable intérêt du film, au-delà de son aspect thriller malsain et des arnaques dans tous les sens, c’est sans conteste la célébration de cette idylle entre deux individus aux passifs pourtant chargés, que rien ne disposait à vivre une histoire pure et belle.
C’est uniquement grâce à l’amour que Mademoiselle peut casser les barreaux de sa cage et anéantir les projets sadiques et calculateurs que d’autres avaient pourtant prévus pour elle. Son parcours est une puissante revanche de la féminité sur la perversion masculine, d’une part, et sur la réification de la femme, d’autre part.
Quels que soient les efforts pouvant être déployés pour tenter de pervertir l’innocence, de « dresser » quelqu’un au mal, il est impossible d’anéantir totalement ce qu’il y a de beau au plus profond de son cœur s’il n’y consent pas. A contrario, la complaisance et l’attrait pour ce qu’il y a de plus bas en l’homme, serait ce enrobé du luxe bourgeois dans lequel vit l’odieux personnage de l’oncle, ne peuvent mener qu’à la destruction.
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