C’est terrible comme le nom de cet homme nous force tous, ici, à entrer dans une compétition du pire jeu de mot imaginable en guise de titre. Vous voulez vous marrer 5 minutes, allez sur la filmographie du monsieur et lisez les accroches, c’est un festival ouvert à toute heure. La plupart d’entre nous sommes pourtant mesurés, et nous savons nous tenir au quotidien, mais il faut croire qu’après visionnage d’un de ces films, il est des limites qu’on ne s’impose plus.
Parce-que c’est un tour de maître assez habituel maintenant chez Chow que de nous faire accepter même le plus lourd de ses traits d’humour. Et de nous faire encaisser même la plus bancale et balisée des love story. Dans les faits, il n’existe rien ici qui soi digne d'être défendu, humour parfois grassouillet et émotions dégoulinantes sont l’apanage de ce cinéma du rire balourd qui s’offre en plus aujourd’hui les services d’une technologie numérique douteuse et approximative. Non, The Mermaid, comme la plupart des rejetons de ce cher bouffon, n’a à-priori rien d’enviable. Mais comme la plupart de ses délires, c’est aussi cette manière unique d’orchestrer des situations, d’imaginer des personnages, de jongler entre les ressentis qui, d’un coup de baguette, transforme la pire des comédies pataudes en petit bijou de feel good movie attendrissant. Et souvent loin d’être con.
Et c’est tout d’même sidérant cette capacité à tout faire passer, de la niaiserie la plus sirupeuse à la blague de pet la plus foireuse. The Mermaid, c'est une ossature de comédie fleur bleue éculée à base d'antagonistes pris en traître par leurs sentiments, sur quoi on ajoute un épiderme de romantisme, de fantastique, une pointe de drame et quelques références saupoudrées avec tact et finesse. C'est dans la suite logique de l’excellent Journey to the West: Conquering the Demons, trouvant, l’un comme l’autre, une apogée dans les éclats tragiques d’une romance fleurissant joliment sur un amas faussement difforme de farces en pagaille, de comique de situation, de burlesque cartoonesque et d’élans épiques savamment avortés. Le rythme à la Chow, l’hilarité au bord des larmes cède la place à un souffle héroïque galvanisant, immédiatement abrégé par un brutal retour à une réalité absurde et loufoque, et ainsi de suite dans un cycle effréné. L'ensemble se ponctue d'une tension amoureuse contenue à la lisière de la mièvrerie et qui, sur cette orée d’un bois de guimauve, prend les parures des plus touchantes histoires. Et c'est aussi une fable contemporaine qui a quelque chose à dire, à illustrer, à révéler, qui s'entiche d'une portée écologique, qui trouve ses marques dans une dénonciation du massacre animal, sensibilisation bien plus efficace quand on trouve une tête humaine à l'autre bout des nageoires.
The Mermaid n’est pourtant pas un film parfait, même pour l’une des folies de son réalisateur. Parfois un peu timide, souvent parfaitement convenu, le rythme ne retrouve jamais le déchaînement de ses plus beaux aînés et l’émotion reste le souvenir affectueux ce ce qu’elle fut jadis (il y en a beaucoup d’excellents, de vraiment excellents, foncez découvrir la filmo d’ce type, c’est fabuleux). Le final paraît bâclé, salement amputé, semble rapide, comme esquivé. Il manque un truc, un je n’sais quoi perdu entre une envolée chevaleresque et une plongée désespérée. Et on reste un peu sur une fringale pourtant parfaitement attisée par tout le reste.
Et pourtant j’ai adoré, parce-qu’aucune autre comédie ne peut rivaliser avec les fulgurances qu’a ce type pour accoupler tragique et comique, lyrisme et cartoon. Et il y a la scène des portraits robots. Et il y a cette référence à Jaws à la fin. Et cet homme poulpe. Et j’me suis auto-convaincu de considérer qu’on a la le meilleur film de l’année 2016. Et j'vais être excessif dans ma note. Et paf.