le dictateur trompé

Quand j'ai vu les trente premières minutes du documentaire THE MOLE : UNDERCOVER IN NORTH KOREA (en España se titula EL INFILTRADO) , j'ai cru regarder un "remake" de "HOLOCAUSTE CANÍBAL", c'est-à-dire: un film de fiction, encadré dans une réalité fictive. Mais au fur et à mesure de la progression du film ( deux chapitres d'une heure chacun qui aurait très bien pu en être qu’un seul), j'ai réalisé que les choses étaient très sérieuses. Finalement, j'ai levé mon chapeau à la bravoure des deux protagonistes qui ont risqué leur vie pendant dix ans pour faire ce reportage, lequel est appelé à être l'un des grands candidats du meilleur documentaire à l'OSCAR 2020.
Mads Brügger, le réalisateur danois responsable de ce film, avait déjà tourné en Corée du Nord (ci-après CdN) un film satirique, THE RED CHAPEL (2.009) qui a provoqué la colère des plus hauts dirigeants du régime. Cela lui a valu l’interdiction d’entrer dans le pays asiatique. Un autre Danois, Ulrich Larsen (37 ans), ancien cuisinier, avec une pension d'invalidité et beaucoup de temps libre, s'est présenté un jour devant lui et lui a proposé d'agir en tant qu’ “infiltré” en CdN afin de découvrir les “égouts” et les soutiens qu'un régime aussi dictatorial pourrait avoir. Malgré ses doutes, le réalisateur confie en Larsen.
Pour cela Larsen rejoint la Korea Friendship Association (KFA) qui a son siège à Copenhague avec des succursales dans plus de 100 pays. Petit à petit, il gagne la sympathie des Nord-Coréens qui sont au pouvoir. Il connaît ainsi un espagnol, M. Alejandro Cao de Benós de Les y Pérez (Tarragone, 24 décembre 1974) qui devient la clé de l’avenir de l’histoire. J'ai eu l'occasion de le voir à la télévision espagnole déguisé en militaire coréen (dans le documentaire il y en a quelques-uns).
Qui est cet Alejandro qui a son passeport retenu par la police espagnole (après un raid pour possession d'armes) mais qui peut parcourir librement le territoire espagnol?
La journaliste Marta Medina a écrit un très bon article dans le journal numérique “El Confidencial” intitulé " Trafiquant ou clown" Qui est vraiment Cao de Besós, l'Espagnol de CdN?
Ce personnage est issu d'une famille aristocratique liée depuis des siècles aux idées carlistes et à l'extrême droite, ruinée depuis que le grand-père a perdu son héritage. Il a commencé à servir dans le parti communiste espagnol (PCE) à l'âge de quinze ans et, en 1993, magnétisé par le régime coréen, il fonde à Grenade, l'Association des Amis de la CdN qui a donné naissance à la KFA dont nous nous sommes référés au début de la chronique.
Comme s'il s'agissait d'une bande dessinée, Larsen s'est lié d'amitié avec lui et a gagné sa confiance en louant le régime de Kim Jong-un, lors de conférences, au siège de l'association ou sur les réseaux sociaux. Son ascension a été fulgurante et il a été invité par la République du CdN. Il a eu comme aide un acteur, nommé Jim Latrache, qui se faisait passer pour un grand homme d'affaires danois. Tous les deux coordonnés par Mads Brügger qui montait les caméras cachées dans les hôtels occidentaux où les réunions avaient lieu. Comme Larsen avait la permission d'enregistrer certaines réunions pour informer les membres de la KFA, cela n'a pas suscité de suspicion et nous pouvons donc assister à des réunions où des armes et des drogues sont offertes à des trafiquants présumés qui à leur tour les payaient en pétrole. Il y a des scènes en Espagne, en Ouganda, en Chine, au Cambodge, en Jordanie, etc comme dans le meilleur film d'espionnage. On se demande: tout ce qu’on voit peut-il être vrai et savoir que le CdN a la capacité nucléaire de balayer le monde entier?
Tout cela est si peu plausible mais si crédible que Hugh Griffiths, ancien coordinateur du Panel d'experts sur le CdN, a déclaré que "c'est le plus grand embarras pour le président Kim Joung-un que nous ayons jamais vu". Dommage que le documentaire ne puisse pas voir les régions les plus pauvres du pays et les camps de travaux forcés que Don Alejandro décrit comme «des centres de correction morale et idéologique».
Ne manquez pas la série. Vous verrez les deux chapitres d'affilée en toute sécurité. Cao de Besós a publié un communiqué de presse en Espagne qui réfute toutes les accusations disant qu'il savait qu'il s'agissait de faux personnages et qu'il avait agi comme nous le voyons dans la bande pour les démasquer. Regardez la dernière minute du deuxième épisode et rappelez-vous du visage du personnage. Son visage de terreur et de stupeur ne ment pas.
Comme le dit le réalisateur Brügger,on se demande, comment se fait-il qu’après avoir vu le documentaire, la police espagnole n'ait pas arrêté Cao de Besós pour la deuxième fois et lui permette d'aller à la radio et à la télévision pour expliquer «sa vérité» qui est un grand mensonge irréfutable.