Avec The Myth of the American Sleepover, David Robert Mitchell signe sa première incursion sur le terrain des tourments adolescents, le temps d'une dernière nuit d'été, en entrouvrant la porte de ces soirées pyjama si typiques de cette jeunesse américaine.
Il s'y aventurera à nouveau quatre années plus tard, en version horrifique, avec son formidable It Follows. Mais Mitchell, en 2010, n'avait pas encore cette idée de tension, cette hantise étouffante. A l'inverse, The Myth of the American Sleepover choisit de porter un regard bienveillant, teinté de nostalgie, sur ses personnages traversant la nuit de ce quartier de banlieue pavillonnaire. Qui se croisent, qui se cherchent, qui essaient d'entrer une dernière fois en résonance avant la rentrée scolaire toute proche.
Mais le Myth du titre du film raconte en lui-même toute une histoire : une version romancée de ses soirées ado, entre filles d'un côté, volontiers transgressives, entre garçons de l'autre, en comparaison bien plus sages, quasi enfantines encore.
Des soirées pyjama où l'en semble quand même bien s'emmerder, où les rires complices et les amitiés de façade tournent systématiquement à l'aigre. Le mythe, ici, tient plus du souvenir enjolivé que de la vérité d'un âge intermédiaire. Des soirées que l'on plante rapidement pour aller chercher ailleurs, découvrir, s'enhardir.
Mais des soirées pyjama où, durant la première partie de cette nuit d'été, l'on tente pourtant de s'introduire, même si l'on est un peu plus jeune que la plupart des autres invités. Pour retrouver le mec de la piscine, ou la grande blonde que l'on a croisé dans un rayon du supermarché et qui nous a fait nous retourner.
The Myth of the American Sleepover parlera donc bien plus des émois adolescents que des réunions fantasmées de son titre, des derniers feux d'un été constellé de regards que l'on essaie d'attraper au vol. De ceux, insistants, qui nous font détourner la tête mais qui ne sont pas non plus pour nous déplaire.
Un été de petits mensonges et de toutes aussi petites exagérations, quand on traîne avec des copains et que l'on relate ses vacances, en mettant en avant que l'on a laissé derrière soi une jolie conquête éphémère.
Un été de lettres cachées pour tenter de mettre de côté un échec, de journaux intimes curieusement ouverts. Ponctué, pour certains, d'une photo volée dans la vitrine de la promo précédente du lycée, en forme de retour en arrière qui serait capable de guérir la tristesse.
Un été peuplé, aussi, de désirs, d'images volées derrière une porte entrouverte ou à travers une fenêtre. De questions naïves, de tentatives maladroites de se rapprocher, de partager. De caresser. D'approcher sa main de celle de l'autre, avant de tressaillir et de reculer. Où l'on essaie de dire que l'on aime, et que l'on réalise que l'autre reste aveugle à notre émoi.
The Myth of the American Sleepover est composé de tous ces petits fragments d'adolescence, cet âge bête qui nous paralyse tout en nous motivant à découvrir. Tous ces petits fragments que l'on a connus nous-même, un jour ou l'autre. Que l'on a attendus longtemps, subis, sublimés. Qui nous ont aussi déçus, avant que l'on y retourne quand même, avec la nostalgie comme boussole.
Une boussole qui nous poussera à aller dans une salle de bains, un gymnase, une piscine, au milieu d'un étang, ou encore sous un porche. Pour essayer de trouver les mots, faire passer un message, pour séduire ou éconduire.
Et malgré tout, on regrette tout cela, quand on a clairement passé l'âge de ces soirées pyjama, dans la nostalgie d'une enfance passée trop vite, que l'on a déjà perdu en cédant à l'adolescence et ses premiers émois. Que l'on regrette aussi aux portes de la fac.
Tout comme on regrette peut être aussi le temps où l'on se cachait pour s'embrasser, devant tant d'autres, dans des endroits qui étaient faits pour ça. Des spots émotionnels factices, où l'on réalisait que l'on idéalisait l'objet de notre affection, avant de se prendre la trivialité dans la tronche en réalisant que nous ne serions jamais le souvenir de son premier smack timide et angoissé.
Entre mélancolie et nostalgie, The Myth of the American Sleepover jette sur son sujet un regard toujours bienveillant, en ne jugeant jamais la naïveté, la maladresse et la timidité de sa jeunesse.
Son regard se fait même complice, comme celui de ses jeunes, le matin suivant, alors que le soleil est déjà haut dans le ciel, quand chacun reprend son rôle. Tandis que le spectateur réalise, lui, que tout cela est arrivé le temps d'un songe d'une dernière nuit d'été, et que les ados touchants, qui l'ont très souvent ému, ont tout simplement un peu grandi.
Behind_the_Mask, qui hésite à pénétrer dans le tunnel de l'amour.