Premier film de David Robert Mitchel, avant l’explosion It Follows et l’audacieux Under the Silver Lake, The myth… est une œuvre modeste qui s’interroge, comme son titre l’indique, sur les fameux attendus des soirées adolescentes aux Etats-Unis. Sorte de typologie réaliste, sociétale et lucide de ce rite de passage d’une tranche d’âge qui carbure avant tout au fantasme, et dont l’exploitation par l’industrie hollywoodienne a contribué à renforcer le potentiel romanesque.
De fait, le film fait surtout œuvre de démystification, en s’attachant à des personnages communs, dont la destinée n’aura rien de transcendant, et qui devront composer avec les inévitables petites désillusions. Alors qu’on montre au départ la façon dont les individus jouent surtout des rôles, voire s’inventent carrément un passé notamment dans cette jolie scène où deux protagonistes racontent séparément une version complètement contradictoire de leur expérience de couple.
Instant charnière d’une destinée où tout reste à construire, ces soirées de fin d’année mettent en jeu des sentiments profondément contradictoire : l’ivresse d’un avenir, l’élan vers un âge adulte qui permettrait de nouvelles expériences et, déjà, la nostalgie d’une enfance qui s’étiole et de la perdition d’une forme d’innocence. Ainsi de cet étudiant en périple sur les terres de son passé, et qui recherche sans véritablement l’admettre à renouer avec des émotions qu’il ne connait plus. Sur ce terrain, le film fait mouche, et joue avec les attendus formatés des teen movies : la plupart du temps, l’issue est en décalage avec ce vers quoi convergeait le récit. On refuse un baiser, on renonce à la créature de rêve, on échoue dans sa conquête.
L’ambiance nocturne, propice aux échanges et à une forme d’inhibition est un thème cher à Mitchel, qu’on retrouvera dans son pendant sombre dans It Follows et baroque dans Under the silver Lake. Elle trouve ici son point d’orgue dans une usine désaffectée, lieu d’alcôves obscures dans lesquelles tout peut arriver, même si l’on sait bien qu’il ne faut pas s’attendre à ce qu’on y dépasse l’éphémère et l’illusoire.
Raison pour laquelle l’épilogue fonctionne comme un contrepoint plutôt malicieux : la parade dans la journée du lendemain officialise les rôles et, paradoxalement, démasque les individus qui se croisent et se saluent avec des regards de connivence. Elle a la tendresse d’un souvenir commun, la complicité d’un secret partagé et la mélancolie d’une lucidité sur la fuite du temps.