Poison Girl
Bon allez, pas d’introduction bien tournée pour cette fois, pour éviter toute confusion et parce qu’on colle des procès d’intention au film pas tout à fait pertinents, je vais commencer par quelques...
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le 8 juin 2016
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Que vous soyez cinéphiles - ou pas - que vous ayez un poste de télé - ou pas - vous allez en bouffer pendant 15 jours ! Retour de Cannes oblige.
Tentons de vous faire un petit résumé : La très jeune Jesse débarque à Los Angeles et le temps de quelques photos amateurs de mauvais goût, décroche un contrat avec une agence de top models. Remarquée par les photographes et les créateurs de mode, elle se retrouve très vite au 1er plan. Suscitant désir et envie autour d’elle.
Posez-vous 2 minutes, vous avez gagné une visite gratuite chez l’occultiste. On ne va pas regarder vos yeux mais votre aura, qui à l’instar de ce gaz noble, irradie autour de vous d’une lumière orange/rouge. L’odeur du souffre est couverte par celle de la laque, de la poudre matifiante et du gloss. Le démon Néon. Lui il a pris la pilule bleue, pour continuer à endormir son monde. Néon, néon, petits patapons ! Nicolas Winding Refn nous a habituéEs à ses coups de coude et remerciement à Jodorowsky, ici il abandonne la métagénéalogie de son ami et mentor et se tourne vers la magie sexuelle d’Aleister Crowley, lui empruntant une symbolique cosmétique (vous me permettrez !) de mystification.
NWR, Nicolas Winding Refn. Retenez ce triglyphe puisque le réalisateur se veut la modernité du cinéma et a pour ambition de devenir le meilleur dans son genre de films (impossibles à définir…). Qu’il a façonné avec sa trilogie Pusher, son minéral Guerrier silencieux. Explosion/Exposition en 2011 avec le prix de la mise en scène à Cannes pour Drive, il confirmera une esthétique maniérée, contemplative en 2013 avec Only God forgives. Qui divisera, certainE lui reprochant sa trop grande violence et moi m’extasiant devant la sophistication de ce drame sophoclien.
NWR, comme YSL pour Yves Saint-Laurent. Self-branding. Faire de son nom une marque. Un objet de luxe qu’on vend à grand renfort d’imagerie luxueuse et symbolique. Un logo presque, qu’on verra derrière les images subliminales de ce bouc stylisé de 3 triangles inscrits dans un cercle. On fait un pacte avec un démon. La jeune Elle Fanning de tout juste 18 ans a dû en signer un avec Winding Refn puisque celui-ci engage tout son talent pour lui faire un écrin que de nombreuses actrices pourraient lui envier. Écrin musical aussi que la bo composée par Cliff Martinez, venant encore une fois souligner par sa collaboration que la musique habille plus sûrement un film qu’un grand couturier ne trousse une mariée en fin de défilé.
Symétrie, symbolique, silences huileux, jeu de regards, vieux objectifs anamorphiques restaurés pour l’occasion afin de toucher par mimétisme cette recherche de perfection fantasmée qu’est Photoshop qui pousse les gens à se dévorer (l’appropriation par le cannibalisme, hahaha : "C’est pour qui la tête de veau ? Tu veux mes yeux ? Parce que moi, j’les mange pas"). J’ai assisté à une avant-première à Paris (merci Sens Critique ;) ) et ai entendu le réal et son actrice parler du film. J’étais passée à côté d’une information simple mais primordiale pour comprendre le cinéma de Winding Refn : il est daltonien et sa vision est dominée par les teintes rouges. De quoi regarder son recours fréquent aux filtres d’un autre point de vue. De là à apprendre que son usage des lumières stroboscopiques vient d’une propension à l’épilepsie ou à l’hypnose…
Pendant la 1ère moitié du film, j’ai eu le souffle coupé. Admirative de la façon dont il glaçait ses références au giallo mais plus largement au cinéma des années 70, pêle-mêle : Argento, l’expérimental et mystique Jodorowsky, pour finir lourdement sur Brian de Palma en un porn chic fatigant. Et c’est bien là que je souhaite préciser que bien qu’admirative de sa recherche esthétique, je n’ai pas apprécié son manque de subtilité. Flirtant toujours avec la symbolique, en allant chercher du côté du vampire sans employer aucune particularité du mythe, il m’intéressait. Mais la profanation si elle est intéressante chez Ferrara n’est ici d’aucun intérêt, tellement The neon demon manque de nuances dans son manichéisme. Je veux bien croire que NWR souhaitait faire une sorte d’anti-Une étoile est née (Judy Garland, une enfant star) et avait sous la main une jeune actrice qui pourrait bien s’affranchir de la malédiction Macaulay Culkin, Lindsay Lohan. Son personnage a 16 ans, se fait passer pour une fille de 18 ans, on lui conseille d’en annoncer 19 et ses collègues mentionnent qu’à 21 ans, on est fini. Voire 20 ans. On comprend que tout l’enjeu est celui de la jeunesse éternelle.
On va encore me signaler que je fais une critique négative sans parvenir à pointer ce que je n’aime pas. Eh bien non. Si l’actrice Jena Malone – la jeune Rocket de Sucker Punch de Zack Snyder – tire son épingle du jeu, rappelant parfois Evan Rachel Wood, son personnage de lesbienne frustrée m’a renvoyée aux heures sombres des personnages homosexuels malsains fréquents dans l’histoire du cinéma (manquerait plus qu’ils trouvent le bonheur hey ! Rouleau compresseur normatif !). J’apprécie que NWR tente de transgresser des tabous, des commandements, des interdits, quitte à se vautrer allégrement dans le malsain. Ce qu’il fait dans une scène clipesque de nécrophilie que je déconseillerai à mes congénères hygrophobes. Frustration de certains personnages, un miroir brisé, une tentative de viol, tout est effleuré. Ce qui sera toujours mieux que d’évacuer sommairement certains personnages qui ne feront que passer : Karl Glusman (vous l’aviez vu dans Love) surtout ou Keanu Reeves toujours à la recherche d’un rôle cracra qui le fera définitivement passer pour un sombre salopard (The Watcher, Intuitions).
De somptueuses images émaillent ce film. Mais un double épilogue abscons et désincarné aura fini de me convaincre que Winding Refn s’est laissé complètement dépasser, comme on le voit l’annoncer à sa femme à propos d’Only God forgives dans le documentaire qu’elle a réalisé MY LIFE DIRECTED BY NICOLAS WINDING REFN.
On se consolera en se disant que le film n’a coûté que 6 millions et que ce fils de monteur et de photographe sait créer des esthétiques, collaborant avec des artistes comme Natasha Braier, la directrice photo de The Rover, film de David Michôd avec Guy Pearce et Robert Pattinson (un post-apo que j’avais adoré). Et à y réfléchir, c’est finalement Drive qui devrait lui tenir de leçon : NWR serait peut-être avisé de s’inspirer de Kubrick à qui il empruntait son précédent directeur photo et adapter des romans ou scénario d’autres que lui (comme pour Drive), afin de laisser libre court à sa direction d’acteur et sa mise en scène.
Rdv avec le prochain démon dans un mois. Celui-ci sera certainement moins glamour et aura l’accent cockney puisqu’il s’agira d’un dossier des époux Warren sous la caméra de James Wan.
Who ya gonna call ?
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Créée
le 11 juin 2016
Critique lue 506 fois
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