Neon Demon est à l’image du milieu où il se déroule, celui de la mode à Los Angeles : tout en se présentant comme un objet esthétique absolu, il est creux, vulgaire, outrancier, aseptisé. Et c’est pour cette raison qu’il est un film réussi.


Neon Demon retrace le parcours de Jessie, fraîchement débarquée en Californie. Sorte de Blanche Neige pure et gracieuse, son ascension éclair ne tarde pas à attiser la jalousie et la convoitise de ses rivales, toutes déterminées à incarner la beauté absolue qu’elle représente.


L’une des choses les plus frappantes dans l’univers que nous dépeint Nikolas Winwing Refn est sa froideur.
Le film est beau, on le sait. On pourrait même parler de surenchère : tout est ostentatoire. Cette beauté se fait d’ailleurs hypnotique, à travers les jeux de néon, les paillettes, sa lenteur. Mais cette beauté est froide comme un cadavre. La beauté qui est montrée n’est pas sensuelle, malgré l’étalage de corps féminins qui nous est montré, elle n’est pas sexy. Le film n’est pas sexy : le sexe n’y est représenté que de la façon la plus morbide, et l’amour y est auto-centré. Cette beauté est vide, à l’image des yeux gigantesques et terrifiants de Sarah, rivale de Jessie.
On a bien un personnage, le petit ami de Jessie, pour soutenir que la beauté ne relève pas que de la plastique. C’est avec lui qu’émergent les rares scènes empreintes d’humanité, au début du film. Mais celui-ci est vite recardé et écarté, de façon radicale : « Beauty is not everything, beauty is the only thing », lui rétorque un manager cynique.


Dans le film, la beauté est avant tout un atout de pouvoir. Ce pouvoir, c’est celui des projecteurs, qui transforme les femmes en déesses. Il a quelque chose de démoniaque (« The Neon Demon »), comme le montrent les récurrents visuels de triangles, inspirés par le sataniste Aleister Crowley. Il est séducteur mais mène au pire. Sa puissance pousse toutes les passions à se déchaîner, jusqu’à enfreindre les tabous les plus obscènes.
Paradoxalement, il est pourtant empreint de pureté, de naturel; c’est un don, une grâce. Et c’est ainsi que Jessie, ingénue, naturelle, l’incarne bien mieux que ses rivales botoxées et avides. C’est ainsi qu’elle devient « dangereuse » et très puissante malgré son innocence. Tout en finissant par prendre goût au même jeu que ses concurrentes, elle gardera cette grâce distinctive et fragile.


Avec un enjeu tel, il est logique que le film soit si dérangeant, qu’il paraisse si creux et si vide. Mais The Neon Demon cherche moins à faire l’apologie de cette beauté morbide (même s’il s’y complait évidemment plus qu’un peu), qu’à la mettre en scène, la décortiquer et à nous mettre face à sa version la plus radicale.

Moonrise
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le 6 juin 2016

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