Cela faisait une plombe que j'avais déserté le rayon critiques, mais là c'en était trop !
Et c'est un petit coup de gueule, de belle gueule bien sûr, que je vais pousser ici face aux attaques de soi-disant vide incarné par le somptueux dernier film en date de Nicolas Winding Refn.


Mais avant le fond parlons un peu de la forme : n'est-ce pas magnifique ? N'est-ce pas hypnotique toutes ces couleurs chatoyantes, ce L.A. by night à l'atmosphère envoûtante, et même ce noir et blanc des plus purs de la fameuse séance photo ? Tous ces plans bien pensés, tous ces trips visuels triangulaires symbolisant peut-être le système pyramidal dans lequel l'héroïne se jette à corps perdu ? Rien que le générique c'est de la bonne came. Et ce d'autant plus que pour une fois le prétentieux sigle "NWR" fait sens. C'est une habitude dans ce milieu de griffes...
D'ailleurs je compte bien souligner toute la cohérence de son film quant au thème principal qu'il aborde, la beauté physique, et son milieu, la mode.


Un petit tour d'horizon d'abord : Jesse (angélique Elle Fanning), 17 ans (mais il faut dire 19 et non 18, sinon c'est louche), que l'on découvre lors d'une séance photo amateur prélude à son avenir de poupée égorgée, débarque à L.A. dans le but de devenir model. La biche effarouchée, avec pour dernière attache le jeune photographe, se voit directement lâchée dans la meute de ses futurs prédateurs par le biais d'une maquilleuse (Jenna Malone) dont le visage s'illumine à chacune de ses apparitions. Evidemment, dans cette boîte de nuit VIP la BO choisie par le réalisateur danois fait des ravages... à l'image du physique bionique de deux superbes blondasses (Bella Heathcote et surtout Abbey Lee dont les yeux clairs sont à vous glacer le sang), copines de la maquilleuse, et parce que je suis un être faible.


Le modeste refuge de Jesse, un minable motel à Pasadena, est tenu par un Keanu Reeves à contre-emploi et à la bebar le rendant assez charismatique... C'est qu'il prend de l'épaisseur en vieillissant le bougre ! Et là, j'admets qu'au cours de mon visionnage ciné j'avais eu beaucoup de mal à m'en remettre (dans le mauvais sens) de ce qu'ils y trouveront dans la chambre de la miss. Mais pas cette deuxième fois ; la métaphore et la connaissance de cause ayant probablement pris le pas sur la trop faible probabilité qu'une telle chose puisse arriver. Une alerte comme quoi la moindre faille, la moindre inattention, sera fatale à la belle innocente. Les fauves rôdent et s'immiscent.


Innocente Jesse mais pas pour longtemps, puisque la première séance photo pro, où un époustouflant blanc virginal laissera place à une nuit d'or, sonnera déjà le glas de ses illusions. Cette mise à nu aussi directe que possible débouchant sur tout le mystère de l'ambiguïté de ses réponses questionnée par sa maquilleuse. Le début des apparences pour Jesse... Mais surtout celui de sa prise de conscience : Jesse voit bien l'oeil du casteur cruel et blasé s'extasier à son passage. Jesse voit tout autant que la jalousie de ses concurrentes -que ce dernier n'hésitera pas ensuite à humilier devant elle- va au-delà même de la compétition ; une compétition devenant pour le moins viscérale.
Plus que jamais Jesse se rend compte de l'impression qu'elle fait, et plus que jamais elle la trouve magique. Mais la magie, ça n'existe pas...
Son secret ? L'amour de soi. Mais la timide gêne de ses débuts laissera place à un narcissisme exacerbé, exalté par l'esprit de compétition, par la comparaison. Là où tout le monde finit par péter les plombs.
Un narcissisme magistralement mis en image lors de ce défilé sensoriel où Jesse sort d'une porte pyramidale comme seule au monde, seule avec sa beauté. L'autre n'existe plus, il la regarde, elle se regarde, il la désire, elle se désire.
Et lorsque arrive en after l'association indirecte de la beauté plastique naturelle (que rejette hypocritement l'ami photographe) avec celle de la beauté intérieure (l'un des fameux "truc en plus" que réfute pourtant le casteur aveuglé par son métier, et en pleine contradiction), Jesse choisit son camp. Ni le bon, ni le mauvais, là n'est pas la question... mais celui de son nouveau milieu, celui qui la met sur un piédestal.
Et s'il y a une économie de mots globalement, ceux-ci, quoique simples, s'avèrent toujours bien pesés, et lourds de sens quant à l'évolution de l'héroïne. Alors pourquoi s'obstiner à le nier ?



"Elles veulent être moi !"



C'est une réalité, sauf que Jesse verra très vite se retourner la médaille, et ce dans son propre refuge. A moins que sa pureté ou son déni ne l'ait rendue qu'éplorée spectatrice du désir malsain des autres... Mais pour combien de temps ?
La vengeance les élimine parfois, ces désirs inaccessibles et inassouvis.
Et pour ma part, cette jalousie morbide, à tort ou à raison, ça me parle.


Après, The Neon Demon use clairement (et abuse peut-être pour certains) de la métaphore. Et moi ça me plaît : la maquilleuse maquille aussi les morts (voire plus si affinités)... La piscine est vide... Elle arrose les fleurs comme elle arrose la rose arrachée... La perte des eaux suit... Enfanter la mort. Creuser sa tombe fleurie.


Enfin, un humour noir pour le moins osé conclura cette glaciale aventure, après d'abord une saillie très premier degré envoyée par l'une des deux blondasses qui aura elle aussi désormais un truc en plus ; mais un autre, en elle... S'agit-il ici encore du premier degré ou du second ? Sa nouvelle beauté vénéneuse viendrait-elle donc de l'objet ou de l'acte ? Le photographe pro ne se posera pas la question.
Et si effectivement la dernière scène et son gore mal digéré (à noter le léger rictus hilarant de l'actrice découvrant la chose) peut paraître too much sur la forme, il n'empêche que sur le fond ça tient grave la route : telle une morbide métaphore d'un miroir de la belle âme à posséder...


L'humanité, lorsqu'elle ne la crée pas, jamais ne cesse de détruire la beauté.
The Neon Demon fait les deux : elle la crée sur la forme et la détruit sur le fond.


8,5/10


NB : bon par contre, le générique final avec du Sia sur la plage c'est vraiment pas mon truc ! o_o

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le 26 oct. 2017

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RimbaudWarrior

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