De manière générale, les gens connaissent les placebos, des substances sans principe actif (une pillule de sucre, une solution saline, …) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique sur celui qui en ingurgite, persuadé que cela pourrait le soigner. On appelle cela l’effet placebo. Mais à l’inverse, on parle d’effet Nocebo lorsque l’effet psychologique ou physiologique associé à la prise de ces substances sans principe actif engendre des effets négatifs, voire néfastes, chez l’individu qui les prend. L’individu peut même ressentir des douleurs ou tomber malade par simple croyance, et de nombreux témoignages de maladie, voire de décès, liés à l’effet nocebo ont été recensés. C’est à partir de ce postulat de départ que le réalisateur Lorcan Finnegan (Vivarium) et le scénariste Garret Shanley vont penser leur deuxième collaboration Nocebo, The Nocebo Effect, un film d’horreur psychologique et surnaturel qui va baigner dans le folklore et les légendes de l’Asie du sud-est, plus particulièrement les Philippines où la culture chamanique est encore très présente de nos jours.
The Nocebo Effect se centre sur Christine, une créatrice de mode qui est cloisonné dans ses propres angoisses, dans ses propres cauchemars, comme enfermée dans une petite pièce sans issue. On ne comprend pas trop ce qui lui arrive. Tout semble avoir commencé par la vision d’un chien aux yeux blanchâtres, rempli de pustules et de tiques, alors qu’elle était en plein travail. Puis la mystérieuse Diana, une jeune femme en provenance des Philippines, fait irruption dans sa vie et la persuade qu’elle seule peut l’aider à combattre ses maux, bien que le mari de Christine ne semble guère apprécier l’irruption soudaine de Diana dans leur vie. On va suivre l’évolution du personnage de Christine, d’abord dans le positif, bien qu’on sente qu’un rien peut la faire basculer. The Nocebo Effect va révéler petit à petit les zones d’ombres à fur et à mesure que le scénario se déroule, aussi bien sur qui est réellement cette Diana que sur le passé trouble de Christine. Le film nous présente deux personnages féminins très forts, qui dans le fond se ressemblent plus qu’elles ne le pensent. Le réalisateur va explorer le thème de la maternité de deux façons différentes, prenant le temps de présenter le passé de Diana aux Philippines. Le casting s’en sort très très bien. Eva Green (Casino Royale, Sin City) est comme à son habitude impeccable, arrivant par ses expressions, par sa gestuelle, à nous faire ressentir la douleur réelle de son personnage. Bien qu’un peu en retrait, le trop rare Mark Strong (Kingsman, 1917) fait également du bon boulot, avec ce personnage méfiant, sans doute un peu raciste, par qui la bascule va arriver. Mais c’est l’actrice philippine Chai Fonacier (Asuang, Pinay Beauty) qui retient réellement l’attention, avec sa performance toute en retenue, avec son jeu ambigu. Le duo qu’elle forme avec Eva Green est une des réussites du film et elles portent clairement le film sur leurs frêles épaules.
La mise en scène de Lorcan Finnegan est très académique mais suffisante pour poser une ambiance un peu lourde, un peu étrange, un peu ésotérique, ce qui permet d’avoir toujours ce sentiment de danger pour les personnages. De la tension, de la paranoïa, mais aucune réelle peur, le film évite judicieusement de jouer la carte un peu trop facile des jumpscares. On sent que The Nocebo Effect veut nous faire comprendre que son personnage de Christine, à l’instar de la population de manière générale, ne se concentre pas réellement sur ce qui ne va pas dans le monde. Chacun se soucie de ses petits tracas sans jamais chercher à voir plus loin. La tique, parasite s’il en est un, pourrait renvoyer à tout ce qui parasite notre cerveau, nous empêchant de voir plus loin que nos petits soucis quotidiens. Mais cette idée n’est pas suffisamment exploitée dans le film alors qu’il y avait réellement quelque chose à faire à ce niveau-là. De la même façon, le duo Finnegan / Shanley n’exploitent pas correctement les thèmes du capitalisme, de l’exploitation des pays pauvres, du consumérisme (ils s’inspirent de l’incendie de l’usine Kentex à Manille où 74 ouvriers sont morts en 2015). L’idée y est, elle est intéressante, mais le traitement est un peu trop simpliste et se résume au bien contre le mal. Du coup, le film en devient assez prévisible, jusque dans sa révélation finale. Il lui manque ce petit quelque chose qui aurait pu le rendre mémorable. Il lui manque peut-être des scènes chocs, pas forcément graphiques (quoi que), mais émotionnellement ou psychologiquement. Du coup, il ne devient jamais bouleversant malgré ce qui arrive à certains personnages. D’un autre côté, c’est tout à son honneur de ne pas tomber dans la surenchère comme les films du genre ont parfois tendance à faire, quitte à tomber dans le granguignolesque.
Avec son ambiance qui s’installe lentement mais sûrement, The Nocebo Effect est un mix entre film de vengeance et thriller psychologique des plus agréables. Dommage seulement qu’il n’aille pas au fond des choses mais le résultat est intéressant.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-nocibo-effect-de-lorcan-finnegan-2022/