Salissant

Amleth est encore jeune quand son père, le roi, est assassiné par son frère. Amleth s’enfuit et est recueilli par des Vikings qui l’élèvent comme un guerrier. Devenu adulte, Amleth n’a plus qu’une idée en tête : venger son père et récupérer son royaume. Il échafaude pour cela un plan désespéré.

Amleth a d’abord été une légende nordique avant d’inspirer Shakespeare, et Robert Eggers, un réalisateur de films d’horreur, a repéré le potentiel de cette histoire. Il s’est attardé (avec l’aide d’un écrivain islandais) à créer un scénario réaliste basé sur nos connaissances historiques et abondamment assaisonné de mythologie nordique. Le résultat est saisissant. Si le film n’est pas ouvertement fantastique, les doutes et les coïncidences sont trop nombreux pour le cantonner à une simple œuvre historique, et cela donne un parfum de superstition qui nous plonge un peu plus dans ce monde. Malheureusement, la volonté de réalisme, et sûrement le goût de l’horreur du réalisateur, rend ce film très dur. En effet, Amleth est un psychopathe sadique qui est mû par la vengeance et la violence. Ses parents sont déjantés, avec une mère esclave forcée d’épouser son père et incestueuse à ses heures. Nos connaissances actuelles sur l’Antiquité confirment qu’à cette époque, la psychose était la norme et la violence, un comportement normal (voir la terrible et très juste série Rome, par exemple). Cependant, au XXIème siècle, voir des scènes de massacre, de viols et de tortures ne sont pas forcément indiquées pour tous les spectateurs qui, eux, ne sont plus psychotiques. Un filtre atténuant la brutalité aurait été bienvenu.

Le casting est surprenant, mais se révèle juste. Ethan Hawke, acteur plutôt tranquille au visage angélique, campe un roi convaincant. Il est amusant de constater qu’il avait incarné Hamlet en 2000, une adaptation de la pièce de Shakespeare dans le monde moderne. Willem Dafoe paraît surprenant en fou du roi versé dans les arts mystiques, mais son talent lui permet de s’en sortir avec brio. Nicole Kidman incarne toujours à la perfection les folles, Björk est parfaite en devineresse et l’étrange Anya Taylor-Joy campe une sorcière très, très réaliste. J’espère ne jamais la croiser.

L’histoire est un drame dans la plus pure tradition. Malheureusement, le héros est si terrifiant qu’il est difficile de s’y attacher, et sa mort sonne comme un soulagement pour cet enfant rendu fou par la colère. La chute est un peu sèche, et il aurait été intéressant de savoir ce que devenait Olga ainsi que ses enfants. En revanche, l’ambiance est ciselée et l’immersion est totale. De nombreux détails de la vie quotidienne enrichissent la narration jusqu’à détourner l’attention du spectateur de l’histoire. C’est passionnant, mais dégoûtant.

The northman est un film réaliste sur les Vikings et l’Europe antique. Le réalisateur montre un talent certain et sa peinture de cette époque est passionnante, enrichissante, mais franchement répugnante. Ce n’est pas tant les tripes (pourtant très présentes) que la brutalité psychologique permanente qui est dérangeante. Lorsque le film se termine, on se félicite d’être au XXI ème siècle. À voir donc pour la prouesse de la reconstitution, le talent du réalisateur, mais derrière un bon gros bouclier.