Quand on regarde de loin, « The Order » semble faire typiquement partie des films balancés directement en VOD (autrefois on appelait cela des direct to DVD). Casting de seconds couteaux et d’ancienne gloire ou star du septième art (ici Jude Law), sortie en salles annulée dans certains pays et en catimini aux États-Unis, postulat de polar comme on en voit tant, etc. Et le début du film, pas désagréable pour autant, nous confirme cette impression. Pourtant, plus on avance dans l’intrigue et plus ce long-métrage nous impacte et devient imposant. Et c’est logique au final car, au générique de ce film, il y a aussi les très talentueux Nicholas Hoult et Tye Sheridan, rendant le casting finalement plutôt attrayant. On se rend compte aussi que la sortie n’a pas vraiment été sacrifiée en salles mais que le studio distributeur est Prime et qu’il se garde une certaine exclusivité au chaud pour sa plateforme tandis qu’une sortie dans quelques salles rend le tout plus prestigieux. Ensuite, le sujet est plus pointu et moins commun que prévu puisqu’il est basé sur des événements réels concernant un gang de suprémacistes blancs dans les années 80. Et, enfin, c’est Justin Kurzel à la barre, le cinéaste australien à qui l’on doit le tétanisant « Les Crimes de Snowtown » ou, plus récemment, « Nitram » (et aussi les ratés « Assassin’s Creed » et « Mac Beth », il faut l’avouer). Dernière information notable, le film a été présenté en compétition à la dernière Mostra de Venise, preuve que « The Order » n’est pas une banale série B destinée à garnir les catalogues de streaming pendant les Fêtes. Et sa vraie nature se montre au cours de son visionnage, un film policier sous tension et à combustion lente qui nous happe durablement et marque les esprits.
L’intrigue nous plonge donc dans les années 80, dans une région entre l’Idaho et l’État de Washington où une communauté raciste héritée du tristement célèbre Klu Klux Klan sévit. Une région des États-Unis peu filmée et magnifique qui ajoute un certain cachet visuel au film et que Kurzel utilise à bon escient pour baigner le long-métrage dans une atmosphère encore plus fantomatique et nihiliste comme il les affectionne. On va suivre une enquête fédérale sur une partie de cette communauté de suprémacistes ayant fait scission et encore plus extrémiste semblant liée à des braquages et des meurtres dans la région. « The Order » prend son temps mais n’ennuie jamais, nous distillant un poison qui traverse l’écran rendant l’ambiance lourde. Plus on avance, plus ce sentiment de pesanteur sera prégnant. La bande sonore de Jed Kurzel, le frère du cinéaste, est anxiogène au possible et magistrale; elle participe à rendre ce long-métrage étouffant. La manière dont Kurzel filme les scènes de braquage et d’action est anti-spectaculaire au possible mais très brute, rendant paradoxalement le tout impressionnant et magnétique jusqu’au final désenchanté, à la lisière du fantastique. On apprend aussi beaucoup de cette faction et du livre dont elle s’inspire grâce à des intermèdes intimes lors de l’enquête passionnants même si la prêche du personnage d’Hoult, cœur du film, n’est pas aussi puissante qu’espéré. Si l’interprétation est plus en mode mineur (Hoult comme Law semblent la jouer sobre, trop sobre pour être mémorable d’ailleurs), il n’empêche que « The Order » est une bonne surprise qui fait froid dans le dos et résonne avec certaines populations américaines encore aujourd’hui. Un polar intense, froid, glauque et sous tension qu’il faut laisser fermenter pour l’apprécier encore plus.
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