Trouble histoire que celle de ce film qui aurait pour raison d'être d'avoir fait barrage à la sortie d'une autre production historique à grand spectacle abordant le traitement des Arméniens par les Turcs durant la WW1 : "La promesse" de Terry George. Ce dernier illustrait avec pathos la tragédie que fut l'épuration du pays, alors que le nouveau gouvernement nationaliste des "Jeunes turcs" profitait tranquillement de la guerre pour homogénéiser sa population. Le film de Terry George était entièrement financé par un milliardaire américano-arménien.
Mais plus lourdingue encore est cette production financée par des sociétés turques. On y voit une jeune infirmière américaine se rendre au fin fond de l'Anatolie dans une mission humanitaire chrétienne, dirigée par un très séduisant médecin, américain lui aussi, qui ne manquera pas de lui faire du gringue. Mais, sans qu'on s'explique bien pourquoi, le cœur de la jeune fille balancera plutôt en faveur d'un lieutenant ottoman (celui du titre). Si ce lieutenant est en effet très beau il semble n'avoir aucune conviction politique et être bien peu au fait de ce qui se trame dans son pays. Nous apprendrons par la voix de son très autoritaire colonel que "des rebelles arméniens se révoltent" ou que "des rebelles arméniens aident l'envahisseur russe". Ainsi ira-t-il, notre brave lieutenant, parfois seul parfois accompagné d'une modeste escouade, libérer un village d'un sniper arménien solitaire ou faire exploser l'armurerie d'un campement russe. Les pauvres populations arméniennes innocentes semblent prises entre deux feux. "Peut-être que si les arméniens étaient restés bien gentiment dans le bon camp il ne leur serait rien arrivé" semble dire le film. A la toute fin seulement verrons nous un massacre arbitraire, mais il est commis par une unité de soldats turques visiblement isolée de son commandement et agissant sans ordre de mission. Heureusement notre bon lieutenant, surpris par tant de cruauté, interviendra pour rétablir la justice. "Ils n'étaient pas tous méchants vous voyez", nous dit-on, "c'était la guerre".
Dramatiquement le film n'est par ailleurs rien d'autre qu'un très mauvais triangle amoureux entre personnages sans âmes servis par de très mauvais comédiens. Les scènes romantiques entre les deux amoureux (chevauchées dans les champs de blé, croisière sur le lac, sexe à l'ombre des filets de pêcheur) sont toutes plus ridicules les unes que les autres. Aucune hésitation de la part de la jeune fille, aucun tourment, sans doute a-t-elle un faible pour les uniformes... Quant aux scènes d'action militaire, absolument invraisemblables dans leur déroulement, elle n'apportent rien d'autre à l'intrigue que des preuves de la vaillance du beau lieutenant et de la perfidie d'une portions d'arméniens.
Peut-être qu'en faisant suffisamment de coupes on pourrait en tirer une bonne pub pour Turkish Airline, mais autrement rien à sauver.