Amateurs de films de gangsters roublards, vous êtes cordialement invités à franchir la porte de la petite boutique tenue par Leonard Burling, un tailleur anglais très doué en son domaine ! Enfin plus exactement un "coupeur" comme aime à le rappeler de son doux accent cet homme charmant à ses clients dans ce Chicago de 1956, notamment aux membres d'une famille mafieuse qui vont lui causer quelques soucis lors d'une nuit en vase-clos au sein de son échoppe...
Avec les doigts de Graham Moore derrière les aiguilles (l'auteur de "The Imitation Game" passe pour la première fois derrière la caméra) , la confection de "The Outfit" va s'effectuer à partir de matériaux classiques du genre, qui ont fait maintes fois leurs preuves dans ce type d'ouvrage, mais leurs contours habituels ont le mérite d'être ici savamment rapiécés pour faire du dessein personnel plus ou moins secret de chaque protagoniste un élément décisif à la reconstitution d'un jeu de dupes très bien fourni dans le lot de coups fourrés qu'il a en réserve.
Plus que les matières premières connues auxquelles il fait appel, c'est en effet bien le talent de couturier de Graham Moore pour les lier entre elles par son écriture qui donne tout son éclat à "The Outfit". De la gestion du huis-clos et de ses intervenants mis tour à tour en valeur dans l'espace confinée de cette boutique à l'orchestration finement dosée -et sans temps mort- de ses rebondissements toujours susceptibles d'inverser les rapports de force avec de nouvelles sources de tension, en passant par ses dialogues ciselés où les élans métaphoriques de la méticulosité professionnelle du tailleur s'allient à la subtilité émotionnelle de certains échanges pour donner une bonne dose de consistance et d'envergure aux motivations de ses personnages, le puzzle de manipulations sur lequel se tisse "The Outfit" est élaboré avec un réel savoir-faire, au moins aussi habile que celui dont fait preuve son héros et ne tirant que très discrètement sur la bobine de fil blanc pour faciliter certaines lignes de sa coupe (les coutures les plus grossières se font surtout remarquer dans la dernière partie).
Enfin, il faut bien avouer que la bonne tenue du long-métrage doit aussi beaucoup à l'interprétation tirée à quatre épingles de l'ensemble de la distribution, à commencer par un fabuleux Mark Rylance dont la finesse de jeu sied à ravir au flegme de ce tailleur affable dans l'engrenage de cette nuit mouvementée.
Comme le rappelle le vieil homme, la perfection reste une cible impossible à atteindre et "The Outfit" n'échappe pas à la règle mais, s'il vous vient l'envie de passer par la cabine d'essayage pour lui laisser sa chance, il y a fort à parier que vous serez séduits comme nous par sa confection de très bonne qualité à bien des niveaux, l'habit fait ici le tailleur pour un très sympathique huis-clos criminel comme on en croise finalement de plus en plus rarement.