Quelle bonne petite surprise que ce film noir sorti de nulle part et qui coche la plupart des cases de la réussite avec brio. En faisant le choix de l’anti-spectaculaire pour se focaliser sur des personnages bien écrits et interprétés, des dialogues aux petits oignons, un contexte original et bien posé ainsi que le décorum unique de cette boutique de tailleur, Graham Moore a tout bon dans les grandes lignes. Conscient qu’un premier film - voire même un film tout court - ne devrait pas forcément rimer avec de l’épate à tous les étages, il nous convie en toute humilité à un huis-clos à twists dans le Chicago des années 50. Et « Le Tailleur » de dérouler son intrigue cousue main sur près de deux heures qui filent à une vitesse folle. Comme quoi, pas besoin d’explosions, de fusillades incessantes ou d’effets spéciaux à grande échelle pour impressionner son public et capter durablement son attention. Finalement, parfois il en faut peu pour faire un bon film qui a le mérite de ne pas suivre les modes.
On est d’abord surpris de trouver la mise en scène aussi élégante et inventive. En effet, avec si peu de marge de manœuvre au niveau de l’espace comme du budget, Moore peut tout de même exprimer l’étendue de son jeune talent. Et visuellement c’est un sans-faute avec beaucoup de goût! Il optimise donc le décor simple et unique mais admirablement travaillé de cette échoppe du Chicago des années 50 au maximum de son potentiel. Filmé de nuit sous des filtres sépia du meilleur effet, « La Tailleur » est flatteur à l’œil et on ne peut rien enlever à la maestria formelle du long-métrage. Mark Rylance est parfait dans le rôle-titre de cet artisan taiseux et malin. Il domine une distribution sympathique où chaque intervenant a son petit moment à lui. C’est un peu la version sage, apaisée, rétro et distinguée de films de gangsters ou de polars tels que « Mise à prix » ou « Nid de guêpes ».
Le script, s’il n’a rien de révolutionnaire, est pourtant carré et réserve son lot de surprises, de chausse-trappes, de rebondissements et de retournements de situation. Un polar à tiroirs donc mais où tout reste crédible, bien écrit et donc surprenant. C’est même étonnant de constater la manière dont Moore parvient à nous captiver de la sorte durant tout le film et sans aucune baisse de rythme et de tension notable. Surtout au sein d’un huis-clos avec si peu d’action et un suspense qui n’est certes pas révolutionnaire On adore aussi l’aspect délicieusement vintage dégagé par cette œuvre presque archaïque dans sa conception comme son déroulement mais finalement très moderne. Du décor donc mais aussi aux costumes et aux valeurs de l’époque, c’est le genre de Madeleine de Proust cinématographique qui fait du bien. La mythologie créée autour de ces gangsters aurait gagné à être plus développée et certains reprocheront un manque d’action mais « La Tailleur » est assez original et réussi pour que l’on passe outre. Un bon petit moment de cinéma, humble et rare.
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