A peine commencé que le temps file à une allure folle. L’histoire se déroule en temps réel (1h11), et est construite comme une pièce de théâtre. Le décor est entièrement constitué de la maison du couple, parfois aussi du jardin. Les personnages sont introduits un à un et l’on découvre leur personnalité archétypale, ce qui permet de les reconnaître. Tom (Cillian Murphy), c’est le drogué, le mec sûr de lui, qui bosse dans la finance. Gottfried (Bruno Ganz) c’est l’homme aux penchants mystiques, et sa femme April (Patricia Clarkson) la cynique. Sans oublier Bill, l’impayable Bill dont on comprend qu’il ne va pas bien dès les premières minutes; et le couple de lesbiennes dont la plus jeune attend des triplés.
On comprend en regardant les scènes se passer, que quelque chose cloche. La première scène du film nous met sur la voie : Janet tient un pistolet pointé sur nous comme pour nous prendre à partie de cette tragédie qui va se jouer sous nos yeux. Car l’œuvre s’écrit sur deux tableaux : le drame, induit par les secrets qui vont se révéler au fur et à mesure, puis la comédie, par les situations grotesques qui s’installent, ainsi que les dialogues incisifs. Le personnage d’April fait mouche à presque chaque réplique, tant son cynisme et son pessimisme sont intelligemment dépeints.
Ce mélange des genres fonctionne parfaitement, et la mise en scène est brillante. La musique intradiégétique sert de manière subtile à faire rire, en étant par exemple mal approprié à la situation, ou bien s’arrêtant dans les instants les plus dramatiques. En tant que spectateur, on prend partie pour Janet, perdue au milieu de ses invités loufoques qui ne l’aident pas vraiment face à la révélation de son mari. Les masques tombent petit à petit, jusqu’à créer un chaos total où la situation part en vrille. Les couples se défont et c’est un régal pour nous car les dialogues sont drôles, mais ce sentiment laisse place à de la pitié. Faut-il rire ou pleurer? Les deux à la fois. De plus, les acteurs sont vraiment impliqués dans leur rôle, et les plans au cadrage serrés sur leur visage renforcent l’attachement que nous éprouvons pour eux.
Le sujet abordé est ambivalent, tout comme le laissait supposer le titre. The Party peut aussi bien désigner la fête que le parti politique que Janet représente (que l’on devine être le Labour Party, celui des travaillistes). Même si la situation politique du pays n’est jamais clairement définie, elle est en revanche parfaitement mise en cause par certains personnages, dont April. Des débats naîtront d’ailleurs au sein du petit comité. L’autre sujet principal constitue celui du jeu des apparences, et de la fragilité des relations. Nous assistons à un déchirement des couples : celui de Gottfried et April, dont elle veut divorcer, puis celui du couple lesbien dont la faute incombe indirectement à la révélation de Bill. Son propre couple à lui, également.
Le vrai défaut du film, finalement, est sa longueur. On aimerait qu’il dure plus longtemps. Même si la temporalité fondée sur celle du réel est bien retransmise, parfois les situations s’enchaînent un peu trop rapidement. Notamment certains revirements de comportement. Quant aux twists, on peut les deviner, mais le dernier reste inattendu -et encore une fois- intelligent. Et même si la réalisatrice ne renouvelle pas le genre du huis-clos, elle en livre une version plus que correcte.
The Party est un film brillant à bien des égards, porté par une sublime direction d’acteurs et un comique de situation à toute épreuve. Laissez-vous emporter par cette histoire folle dont vous ne serez pas déçus.
Critique initialement postée sur cinéseries-mag.fr