Ce film de 1995 reprend le thème et les personnages d’un grand succès de 1937 du cinéma de Shanghai « Le chant de minuit » qui narre l’histoire d’un théâtre appartenant à un célèbre chanteur Song Dang-Ping, ainsi que celui de son amour partagé et irrésistible pour Wenying, une jeune fille dont les parents s’opposent à cette liaison.
L’imbroglio des forces du mal vont faire sombrer Wenying dans la folie, quant à Song Dang-Ping, il sera défiguré à l’acide puis laissé pour mort après l’incendie du superbe théâtre.
Ronny YU réalise le tournage en partie à Pékin, et non à Hong-Kong, afin de bénéficier de studios plus grands qui lui sont indispensables pour reconstituer la splendeur du théâtre et de ses décors.
La trame du film entremêle le temps du théâtre avant l’incendie, où Wenying assiste aux représentations à succès de "Roméo et Juliette", dont Song Dang-Ping joue le rôle titre ; et celui où le théâtre, après avoir été laissé en ruine pendant quelques années, va être investi par une troupe itinérante qui tentera de le relancer en proposant une programmation… qui favorisera les apparitions d' un fantôme chinois de l’opéra…
Pour apprécier quelque peu ce film, ou plutôt ne pas le considérer comme une niaiserie, tout en pardonnant les quelques maladresses commises par le réalisateur, il faut en accepter la forme stylistique, celle du « merveilleux », ici à la « sauce chinoise ». Ronny Yu n’a pas voulu faire un remake du « Chant de la nuit ». Il a choisi de le transformer en une tragédie romantique. Pour ce faire, il n’a pas repris l’épisode de l’invasion japonaise. En revanche, il a impulsé avec son équipe un travail aiguisé sur les choix des tonalités colorimétriques afin qu’elles transmettent à l’image l’exaltation de toutes les émotions de ce drame romantique.
Il faut aussi apprécier l’acteur/chanteur Leslie Cheung, qui s’est particulièrement impliqué dans cette réalisation , d’une part comme co-producteur, et d’autre part, pour l’aspect artistique, puisqu'il a écrit le texte des trois chansons qui parcourent le film, tels des leitmotivs. La musique de variété cantonaise a été composée par Chris Babida.
Voici le texte d’un refrain chanté plusieurs fois par Leslie, et qui sera repris pour le générique de fin :
« Il n’y a que dans la nuit
Que nous pouvons, toi et moi nous enfuir
Retrouver notre émoi
Que nos tendres baisers
Au milieu de la nuit
Deviennent une musique
Qui nous lie à jamais
Je prends les étoiles
Et la lune à témoin
Tout ma vie
J’attendrai
Un jour viendra
Ou mon voeu sera exaucé
Je volerai avec toi
Vers l’éternité »
En 1995, Leslie a déjà tourné :
« Adieu ma concubine » de Chen Kaige ;
les deux « Syndicat du crime » ainsi que « Les associés » de John Woo ;
"Nos années sauvages » et « Les Cendres du temps » de Wong Kar-wai(« Happy Together » sortira deux ans plus tard).
Il lui restera alors huit années à vivre avant son suicide (le 1er avril 2003) pendant lesquelles il sera à l’affiche de 16 films.
Phantom Lover, distille une ambiance particulière, fantomatique et esthétisante. Celle-ci est magnifiée par des décors majestueux, des musiques canto-pop, ces deux aspects étant traités comme des personnages à part entière. Cette réalisation nous offre la joie de voir Leslie longuement à l’écran et d’entendre sa voix charnelle, expressive, sensuelle. Ce film incarne aujourd’hui un témoignage poignant de son talent tout en faisant honneur à son souvenir. Ainsi il tisse désormais un lien mémoriel avec lui.