Le corps est-il un signe ? Mémoire, rêve, souvenir, délire, la peau raconte des histoires et devient livre dans le film de Greenaway. Sa nudité rassemble et sépare, interroge les liens qui unissent littérature et sexualité, imaginaire et désir à travers la calligraphie dont les recouvre la jeune Nagiko, fille de calligraphe. Si elle cherche d'abord des amants capables de la recouvrir de signes, elle s'aperçoit que la beauté de leurs idéogrammes n'est pas proportionnelle à l'art d'aimer. Elle se décide alors à prendre les pinceaux et inverse la donne : elle écrit sur les hommes à la peau lisse l'histoire de sa vie, ses angoisses et ses pulsions, se référant sans cesse à Sei Shônagon, dame de compagnie à la cour de Kyoto au XIe siècle, qui consigna son quotidien dans un recueil qui nous est parvenu sous le titre de "The pillow book" ("Notes de chevet"). Ce faisant, Nagiko accomplit une sorte de rite initiatique, exorcise son passé et ses démons...
Greenaway réussit là un film étrange où l'Occident et l'Orient se rencontrent sans réellement pouvoir se comprendre... Peut-être la construction de son propos est-elle parfois trop nette, trop appuyée. Le mystère est exposé sous forme structurelle, ce qui le dépoétise involontairement : Greenaway multiplie (trop ?) systématiquement les strates et superpositions d'images par transparence, inscrivant même des écrans dans l'écran, du passé lointain au passé proche, de l'invisible au visible, des douleurs inconscientes à la réorganisation consciente. Ce qui séduit au départ finit par tendre au procédé.
Et pourtant... une magie certaine émane puissamment des passages les plus suggérés, les moins appuyés. Un trouble et un questionnement très intimes sur notre rapport au corps à notre histoire.
La chanson "Blonde" de Guesch Patti y est une belle découverte... déroutante, imprévisible, mystérieuse.

Rachel_Cooper
8
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le 30 déc. 2015

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Rachel Cooper

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