M Hyeon est un poète, un vrai, un contemplatif, qui aime se promener en forêt, et qui jette ses notes dans le bus du retour. Il lit ses écrits à un cercle littéraire, et pour mettre du beurre dans les épinards, donne des cours d'écriture à des primaires. Son lien avec le monde "réel", c'est sa femme, qui est aussi dynamique et enjouée que lui est mélancolique. A plus de 30 ans passés, elle veut un enfant, lui n'est pas trop pour, surtout que son taux de spermatozoïde est assez faible.
L'ouverture près de chez eux d'un café spécialisé dans le donut va bouleverser le quotidien de Hyeon, avec sa rencontre avec le jeune serveur de l’endroit. Il est attiré par ce jeune homme, par sa souffrance aussi, peut-être: le garçon vit dans une famille pauvre, avec un père mourant et une mère absente car travaillant sur un étal.
Le film s'attache à nous montrer l’évolution de Hyeon tout au long du film : ça commence comme une comédie, avec les sorties assez drôles de la femme de Hyeon, avec son meilleur pote, qui ne comprend rien à sa poésie, et qui lui fait manger des couilles de raies pour lui rendre sa fertilité. Mais peu à peu, au fur et à mesure que la relation entre le poète et le garçon progresse, le film se tourne vers le drame. D'ailleurs, son œuvre change, ses poèmes se font plus profonds, ce qui fait dire à une dame du cercle littéraire : "Welcome to the real world".
Le réalisateur émaille la progression du récit de poèmes de Hyeon, qui traduisent la progression de son état d'esprit. La musique, très douce, rend bien la mélancolie qui imprègne ce beau film, servit par de bons acteurs, notamment Yang Ik-June.
Notre auteur est de plus sans cesse tiraillé entre son travail de poète et le regard bien-pensant de la société: à un mariage, ses "amis" lui reprochent de ne pas avoir d'enfant alors qu'il est marié, de vivre aux crochets de sa femme, et que la poésie ne sert à rien. Quand sa femme se rend compte de son attirance pour le jeune homme, c'est pareil : il faut sauver les apparences, continuer à vivre ensemble, parce que le poids de la société est trop pesant, trop inquisiteur.
Hyeon est au final inadapté à la société dans laquelle il vit, et son ancre est sa femme, qui fait tout pour le garder et pour qu'il se plie au modèle voulu par la société, quitte à le rendre malheureux.
A un moment, un élève lui demande ce qu'il faut faire pour devenir poète : il lui répond que c'est bien d'être triste, pour un poète, que ça nourrit l’œuvre. Il lui dit aussi que sa mission, c'est d’exprimer la tristesse des autres.