Quelle fut ma surprise lorsque j'ai entamé le visionnage de ce film, et que je me suis aperçu que bien loin du western ou du film road-trip à l'ancienne, on était là sur un drame intime aux couleurs de thriller. On est transporté d'un bout à l'autre du film, on va d'un point à un autre guidé par une sensation étrange de curiosité, une curiosité malsaine qui nous immisce dans la vie privée d'une famille ayant son lot de problèmes.
Sur le plan technique, rien à redire, tout est bien travaillé, la photographie est jolie et met bien en valeur les paysages du Montana (même si le film a été tourné en Nouvelle-Zélande), mais surtout elle les rend oppressants, collant à l'ambiance générale. Ces collines derrière le ranch en deviennent presque le symbole dérangeant d'une chose terrible que l'on ignore.
Bon, on va pas se mentir, il y a quelques lourdeurs dans l'écriture, les personnages sont assez stéréotypés, en particulier Phil (mais heureusement il est sauvé par Benedict Cumberbatch), et l'homosexualité refoulé du personnage apparaît dès le début du film, même si elle n'est exprimée que clairement vers la fin du film. On peut aussi noter la scène du restaurant où Phil se moque de Peter, qui fait aussi très clichée (la scène, même si Peter répond aussi à quelques clichés d'écriture). Pourtant on peut aisément passer au-dessus de ces défauts, grâce au superbe casting et en particulier avec le point auquel je veux en venir.
Attention là je vais directement entrer dans la fin du film, alors si vous ne voulez pas être spoilé, allez voir le film et revenez, je pense qu'il faut vraiment se faire son propre avis sur cette fin avant d'écouter celui des autres.
A la fin du film, Phil et Peter semblent être plus proches qu'ils ne l'ont jamais été, même si c'est un plan sadique de Phil pour se venger de Rose (la mère de Peter), car selon lui elle lui aurait volé son frère et profiterait de leur argent. Mais voilà qu'alors qu'il pense avoir réussi à changer Peter pour en faire un homme selon son critère de masculinité toxique, soudainement il meurt, à première vue par l'infection d'une blessure à la main. Pourtant, le docteur qui sera auprès de lui dans ses derniers instants, pense qu'il était victime de la maladie du charbon, maladie qui peut s'attraper lorsque l'on entre en contact avec des animaux morts. Mais Phil se gardait toujours de s'en approcher ! On se souvient alors des bandes de cuirs que Peter lui a donné pour qu'il finisse sa corde, bandes de cuirs qu'il avait au préalable prélevées sur un veau mort dans les collines. Il nous apparaît alors, une nouvelle image de Peter, l'image d'un monstre dont on ne peut plus douter des intentions de part son intelligence, mais un monstre au même titre que Phil l'était. Là apparaît le début de ma vision de ce film, un affrontement malsain règne entre Rose et Phil et l'instrument de cette guerre est Peter, alors quand il lui faut choisir entre sa mère et cet homme qui le malmène, et qui pousse sa mère à l'ivresse par ses méchancetés, il choisit sa mère en feignant d'avoir fait le choix inverse, pour mieux détruire son ennemi.
Mais cette vision reste très factuelle, et l'interprétation profonde que j'en fais est à mon sens plus philosophique. Si on regarde de près, Phil est l'incarnation de l'ancien monde, on comprend très vite son aversion au changement, sa masculinité toxique arriérée et le fait qu'il vive dans le passé, se remémorant en permanence le temps de son ami disparu Bronco. A l'opposé on trouve Peter, qui est presque caractérisé par le fait qu'il est le contraste complet de Phil, il est doux, jeune, intellectuel, il s'intéresse aux sciences modernes (de l'époque), il étudie, et même son aspect maigrichon y participe. Il est donc le symbole du nouveau monde. Mais quel rôle a donc sa mère ? Et Georges (le frère de Phil et époux de Rose) ? Bien, je dirais qu'ils représentent aussi l'ancien monde, d'une façon différente de Phil, ils sont l'ancien monde mais la partie tournée vers l'avenir, ouvert à lui en tout cas. A ce sens là l'affrontement qui divise les personnages est celui de l'ancien monde contre le nouveau, mais pourtant Peter choisit de protéger sa mère, parce qu'elle était ouverte au changement (et évidemment parce que c'est sa mère), alors que Phil cherchait à l'empêcher. En s'y opposant il a finit par se faire dévorer par le nouveau monde. Cela renvoi au fait que le futur n'est jamais vraiment celui qu'on imagine, Retour Vers Le Futur a faux sur le futur (notre présent maintenant), au même titre que nous ne pouvons représenter le notre correctement. Alors, on a tendance à s'enfermer dans le passé qui est beaucoup plus certain, et à renier le changement, comme Phil, mais le futur finit toujours par l'emporter, c'est inéluctable, alors il détruit ceux qui refusent de le voir et épargne ceux qui s'ouvrent à lui et acceptent de changer. C'est ce que Peter fait par choix ou parce qu'il doit le faire, parce que les choses fonctionnent comme ça. En refusant, par peur, le changement, Phil a accepté d'être détruit par lui.
Peter avait l'air d'un chiot parmi une meute de vieux loup, jamais personne n'aurait cru qu'il dévorerait l'alpha, pourtant il l'a fait parce que le vieux loup a refusé d'évoluer. C'est ça The Power of the Dog.