Cela commence toujours avec des images d'archives... La victime, jeune et souriante, croque la vie en noir et blanc puis en couleurs désaturées. Avant le crime. Avant le sang.


Puis on essaie de chercher des raisons du drame dans le passé du tueur. Des explications. On devine le voisinage du mal dans son jeune âge, répandu tout autour de lui au cours de classiques ou de courses plutôt plus que moins anonymes. Si tout le monde le fait, pourquoi pas moi, se dit-il. Au moins, nous serons à armes égales, non ?


La maladie l'affaiblit et croit avoir raison de lui. Mais même les portes de la mort ne s'ouvriront pas. Pas devant le phénix qui se nourrit du feu de la gnaque et qui renaît de ses cendres. Indestructible.


Sa première victime tombe sous ses coups de pédales lors de l'été 99. Le mode opératoire est encore amateur mais il s'affirme déjà. Une seule par année. Toujours à la même période. Alors que l'été brûle l'asphalte montagnard. Il garde toujours un souvenir des dépouilles des malheureuses : la chevelure dorée de l'étoile filante de leur notoriété d'épreuve reine en matière de cyclisme. Il poussera le vice jusqu'à encadrer les preuves de ses crimes. Pourtant, sa réputation le précède : celle d'un Iron Man nouveau cannibale du peloton, même capable de revenir dans le sillage des motos qui couvrent la course. Le mode opératoire devient au fil des années assuré, goguenard et industrialisé. Impunité au plus haut sommet de l'organisation sportive, de l'U.CI.. Immunité comme une cape d'invisibilité illusoire. Le meurtrier se croit intouchable, figure de proue, modèle, marque déposée internationalisée de promotion d'un sport à la dérive que l'on veut croire propre et débarrassé du poison. Malgré l'hypocrisie. Malgré les soupçons qui s'entassent, sans preuve.


Serial gagneur devenu serial killer qui a tué sept fois au nom d'un seul pêché : celui d'orgueil. Armstrong devient un voleur de gloire et de souffrance, de larmes et de douleur dans l'effort pour nourrir son désir de grandeur et d'absolu. D'indestructibilité. De renaissance. Complexe, du messie, ce monstre bicéphale s'affiche souriant pour sa cause LiveStrong, sûr de lui et plein de morgue et de complexe de supériorité devant l'opposition qu'il écarte d'un revers de main. Le champion cède la place à un animal froid et avide qui n'hésite pas à détruire le sport pour nourrir son personnage médiatique de héros.


Ce n'est pas un minable enquêteur gratte-papier lancé à ses trousses qui l'inquiètera. Loner infatigable, ancien fan invétéré trahi qui traque son briseur de rêves de vélo propre et de panache au bout de l'effort. Mais à force d'abnégation, l'omerta du peloton vacille et le parrain avertit des conséquences d'un témoignage contre le roi. US Postal mafia comme train bleu invincible dont personne pourtant n'ignore les méthodes. L'armure se fissure cependant peu à peu. Jusqu'à ce que le scandale éclate. Qu'Armstrong se persuade lui-même de ses mensonges qu'il fixe dans la glace.


L'édifice s'écroule sur ses seuls mensonges face au public dont on a besoin pour assurer la pérennité d'un spectacle vicié et la prospérité d'un sport business depuis longtemps décrédibilisé. Mais Armstrong, finalement, n'est pas l'unique tueur. Les racines du mal sont bien plus profondes. Lance n'est qu'un instrument trop longtemps couvert pour "la beauté du sport". Et du reste, nombre de copycats ont singé ses meurtres : Floyd, Alberto... Et tant d'autres, évoluant ou non près du criminel dont l'empire s'effondre. Transmission du mal...


The Program revêt des allures de thriller sportif qui s'avère la plupart du temps objectif, froid dans son analyse et terriblement terre à terre sur ce qu'il met en scène. Et il est clair sur un point, malgré un léger ventre mou à l'orée de la ligne d'arrivée : comme le chante Leonard Cohen en guise de générique final, "Everybody Knows".


Behind_the_Mask, qui a peur des piqures.

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le 22 sept. 2015

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