Le choix de la facilité

S'il est sur cette Terre, une personnalité sportive controversée, c'est bien Lance Armstrong. Le coureur cycliste américain, septuple vainqueur du Tour de France entre 1999 et 2005, déchu de ses titres récemment, est un homme très ambigu.
Je dois personnellement admettre que j'attendais beaucoup de ce film, étant passionné de vélo et fasciné par cette étoile déchue venue du Texas. J'estimais et estime toujours que ce sport et ce personnage peuvent réellement se prêter à la réalisation d'un excellent film. L'intensité du cyclisme et la personnalité aux facettes si nombreuses de L.A. étaient des ingrédients parfaits, mais The Program passe complètement à côté de ce qui aurait pu rendre cette production intéressante. A bien des égards, ce film est le choix de la facilité.

Pour commencer sur une note plutôt positive, parlons des acteurs. Tous les personnages sont présentés de façon très caricaturale, mais les acteurs jouent relativement bien le jeu. Ben Foster n'est pas extraordinaire dans le rôle d'Armstrong mais, mis à part tous les clichés véhiculés par le réalisateur, il s'en sort plutôt bien. Le film étant court, les apparitions des personnages secondaires sont limitées mais globalement correctes. Je mentionnerais tout de même Guillaume Canet, interprétant le rôle du sulfureux Docteur Ferrari, qui rend une copie très acceptable.

Sur le plan du scénario, The Program surfe sur la vague des aveux du champion sur le plateau d'Oprah Winfrey, qui ont suscité un tollé mondial. Il était alors aisé de ressortir le bouquin L.A. Confidentiel de ce bon vieux David Walsh, journaliste et "héros" du film, et d'en débiter tout ce que l'on pouvait y lire. The Program est, du début à la fin, un film à charge contre Armstrong, le présentant en toutes circonstances comme un hypocrite et un tricheur, même dans sa lutte contre le cancer (!).
Le scénario s'avère extrêmement manichéen, le grand méchant Lance contre le très gentil et intègre journaliste (Walsh) qui fait tout pour redorer l'image de son sport préféré. Le champion texan y est présenté comme le grand Manitou du dopage, minimisant à souhait le rôle de l'UCI et des instances du cyclisme international. La concurrence de L.A. est ramenée à de pauvres coureurs désemparés, qui, dans la réalité, suivaient le même programme de dopage intensif dans leurs équipes (Vinokourov, Ullrich, Beloki, Basso, etc.).
Le scénario de The Program est une immense déception car beaucoup trop caricatural. La remarque s'applique également aux personnages, remodelés pour correspondre à la lutte du bien contre le mal.

Concernant la réalisation, le film aurait gagné à être plus long mais, une fois de plus, la recherche de la facilité scénaristique l'ayant emporté, on se contente d'une heure et environ quarante-cinq minute de contenu. The Program se présente comme un drame, il n'a en réalité pas grand chose de dramatique. En effet, l'ambiance générale, et musicale, du film ne laisse que peu de place à l'émotion. Nouvelle déception, là où Stephen Frears aurait pu nous proposer une production émotionnellement riche, en développant l'ambiguïté du personnage d'Armstrong, il saute à pieds joints dans la facilité en nous incitant à haïr ce champion et à se révolter contre ses mensonges.
(Il est fou de se dire que The Program échoue volontairement, là où La Chute peut réussir à émouvoir sur le destin d'Adolf Hitler.)

Tout n'est pas à jeter mais la déception est grande. J'attends toujours un vrai film sur l'affaire Armstrong, moins à charge contre l'Américain, même si l'on ne peut nier sa responsabilité dans ce programme de dopage.