The Proposition fait partie de ces films marquants sans être indélébiles, et bien faits sans être éblouissants. À l’image de son titre, qui sans être raté a quelque chose d’un peu flasque – il pourrait annoncer une comédie romantique aussi bien qu’un film de guerre, un film d’espionnage aussi bien qu’un polar, un college movie aussi bien qu’un porno. En l’occurrence, c’est un western, et la proposition en question est celle qu’un capitaine de l’armée britannique fait à un membre d’une bande de frères criminels : débusquer et tuer le (grand ?) frère fugitif dans les neuf jours, en échange de quoi le petit frère simple d’esprit aura la vie sauve. (Précisons que l’action se déroule en Australie, aux alentours de Noël, c’est-à-dire en été, et qu’on y trouve beaucoup de mouches et quelques dromadaires.)
Au programme, donc, des chevauchées pas spécialement fantastiques, un sous-texte colonial pour la forme, une réflexion de bon aloi sur la violence, la famille et la trahison, d’inattendues explosions de sauvagerie, une contre-plongée sur un homme qui finit sa cigarette, quelques gorgées de gnôle et des réflexions métaphysiques aussi évoluées qu’un cerveau de cow-boy le permet. On va dire que ce sont là les passages obligés du genre – et à ce titre, voir The Proposition donne parfois l’impression de revoir The Proposition… Quant à la structure du film, elle fait la part belle aux vingt premières minutes – soutenues par la question : que faisaient les personnages auparavant ? – et aux vingt dernières – que va-t-il se passer ? –, la petite heure du milieu brinquebalant tant bien que mal entre retrouvailles, trahisons et vie de couple.
Cependant, si l’intrigue peine parfois à faire oublier que Nick Cave n’est pas un scénariste, la réalisation rappelle que John Hillcoat est un cinéaste : c’est cadré, précis, construit, et pour le coup certains couchers de soleil donnent l’impression d’être vus pour la première fois. L’opposition entre la marginalité et la loi, par exemple, trouve une parfaite illustration dans le contraste entre les plans larges de l’outback et la géométrie serrée et proprette du monde des colons.
Du coup, je me suis pris à imaginer ce qu’aurait été The Proposition avec un personnage féminin valable. Parce que là, sans être méchant… Je ne sais pas si ça vient de moi, d’Emily Watson, que je ne crois pas avoir vue ailleurs, ou simplement du personnage tel qu’il est construit, mais toutes les scènes dans laquelle Martha Stanley apparaît sont systématiquement ratées, à l’exception de la dernière mais avec comme point culminant une scène de bain particulièrement mal foutue. Bien sûr, cette poupée en porcelaine victorienne est particulièrement inadaptée à la vie de colon ; on le savait et il y avait sans doute mieux à faire pour le montrer.
Plus le méchant est réussi – et il y a là deux personnages qui assurent de ce point de vue-là –, meilleur est le film, peut-être, mais peut-être aussi que quand le seul personnage féminin d’un film est à ce point raté, quels que soient les efforts fournis par ailleurs, le film ne sera pas bon. Je ne dis pas mauvais, juste pas bon.