Daniela Goggi retrace par le cas d'Osvaldo Sivak, la série d'enlèvements de riches entrepreneurs en Argentine dans les années 80. Cet homme aura été kidnappé à plusieurs reprises dès 1979 amenant à la faillite de son entreprise et à l'éclatement familial. L'impunité est un travers universel sous couvert ici de réconciliation nationale, du déni de justice qui s'ensuit, et du tragique d'un récit individuel pour nous rappeler aux drames collectifs face à une démocratie naissante et hypocrite. De ces bourreaux d'hier aux mains libres, en poste dans les administrations, ce sera aussi la corruption d'un gouvernement qui aura tendance à balayer sous le tapis.
Si la réalisatrice soigne sa reconstitution et dès les premières images de la grande époque des lieux enfumés, où tous auront une cigarette au bec, enfumant jusqu'aux couloirs des avions, pour un interlude presque comique, son récit reste tendu, sans effet accessoire, filmant au plus près son acteur et son parcours du combattant à faire libérer son frère.
Homme et père tranquille, s'il n'est pas dupe d'un gouvernement et de ses ministres corrompus, ses vélléités de solidarité pour les plus démunis et son déni d'un sens des affaires aléatoire, finiront de le perdre. Adepte convaincu du communisme et fort d'un certain idéalisme, Daniela Goggi traite avec finesse d'une chute non programmée en évacuant tout l'enrobage des scènes familiales, seulement posées là pour le contexte et où seuls quelques hommes en arrière plan nous suggèrent le danger, rendant la solitude et la dérive émotionnelle de l'homme plus puissantes encore.
A l'aide d'un certain nombre d'ellipse, le récit reste lisible et fluide à dynamiser un ensemble sans sursaut qui vaut par l'interprétation tout en nuances de Rodrigo de la Serna.
Tiré de l'ouvrage de Martin Sivak El Salto de Papa, Daniela Goggi et Andrea Garrote co-scénariste signent le récit tragique d'un homme sincère.