Marche funèbre
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Depuis son premier long-métrage (Amours chiennes), Alejandro González Iñárritu s’est affirmé dans l’industrie cinématographique comme l’un de ces artisans contemporains les plus doués.
Voilà maintenant quinze ans que le cinéaste mexicain, issu de cette nouvelle vague de talentueux réalisateurs sud-américains dont font partie entre-autre Alfonso Cuarón et Guillermo del Toro, gravite les différents paliers exigés pour atteindre les sommets espérés à Hollywood.
Après le succès de Birdman (quête initiatique fantasmée sur la psyché humaine et la reconnaissance artistique) et ses quatre Oscars (dont celui du meilleur réalisateur), Iñárritu continue à faire parler de lui, puisqu’il est candidat à sa propre succession pour son nouveau film.
Cette année, The Revenant arrive sur les écrans, entaché de nombreuses rumeurs, dont les médias se sont empressés de proliférer pour forger ce qui est d’ores et déjà « la légende du Revenant ».
Conditions extrêmes voir insoutenables (du moins pour certains techniciens qui ont décidé de quitter le navire en cours de route), mégalomanie de son réalisateur, performance engagée de l’acteur,… Tout cela alimente depuis déjà plusieurs mois une certaine effervescence qui se traduit tout autant par DiCaprio et son hypothétique Oscar que par son réalisateur qu’on attend au tournant après son triomphe « resurgere ».
Sans boniments, The Revenant est une vraie expérience sensorielle et purement visuelle, comme l’était déjà Birdman. Mais là où Iñárritu va encore plus loin, c’est dans le défi qu’il lance aux spectateurs. Car si The Revenant est un film à Oscars, il est loin d’être un film tout public et accessible à tous. Sous ses airs de Survival et de Rape and Revenge, deux genres empruntés au cinéma d’horreur, The Revenant est un film éprouvant, primitif et sanglant par moment.
Rien n’est épargné aux spectateurs, que ce soit la scène, désormais culte, de l’attaque du grizzli ou les nombreuses séquences de barbaries d’une rare violence (à cela, la scène d’intro reste la plus saisissante).
L’expérience est parfois harassante, mais elle en vaut son pesant d’or, tant le film regorge de virtuosités de par la maestria de sa mise en scène (Lubezki en course pour sa troisième statuette) et de par la richesse de son univers.
Cette nature qui reprend ses droits sur l’homme en l’espace de deux heures trente, hante de manière incessante le film, comme une entité aux pouvoirs divins. A la manière d’un Malick, le mexicain personnifie cette nature viscérale et congénitale. Ses nombreux plans hypnotiques et contemplatifs apparaissent à chaque fois comme de nouveaux coups de pinceaux, symboles iconographiques et oniriques des nombreuses formes que prend le personnage de Glass (DiCaprio), à l’image du phœnix qui renaît de ses cendres. Car si Glass réussi à survivre à ses nombreuses péripéties, c’est avant tout grâce à son unification avec mère nature. La nature devient homme et l’homme devient nature, parabole qui trouve tout son sens dans cette perpétuelle antinomie entre la sauvagerie et la civilisation de l’être, qui ici, tombe tel un château de cartes.
Et si l’homme décide de renier et de devancer la nature, il devient fourbe et avide comme Fitzgerald (Tom Hardy).
The Revenant, avant d’être conceptuel, se veut aussi être un produit avant tout formel et à ça, le long-métrage force l’admiration. Encore une fois, Iñárritu s’amuse à distendre la temporalité de son film à travers de longs plans séquences. Tout est sublime et parfaitement maitrisé, la fluidité à laquelle il s’éprend à filmer ses scènes de batailles est ébouriffante. L’outil visuel est ici, au service des décors et de l’action qu’il capte et sans concession, The Revenant est certainement l’une des œuvres contemporaines les plus immersives qui soit.
Aujourd’hui, rien ni personne ne semble pouvoir arrêter Alejandro. G. Iñárritu, même pas Tarantino avec son The Hateful eight, qui plus que probablement devrait signer un doublé, ce qui serait une première depuis 1951. Pour ce qui est de Léo, cette fois-ci, c’est la bonne !
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Créée
le 8 févr. 2016
Critique lue 363 fois
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