Marche funèbre
Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...
le 25 févr. 2016
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Le dernier film d'Alejandro G. Innáritu optait pour le penchant caustique sur le petit monde nombriliste d'Hollywood, en veillant à bien taper sur le système qui l'a adoubé pour s'ériger en auteur styliste et critique du monde capitaliste. Aujourd'hui, un an jour pour jour après son film oscarisé, le réalisateur prend exactement le chemin inverse, à savoir réaliser un film toujours aussi foutraque et éprouvant (comprenez hystérique), en faisant de son héros une sorte de surhomme, figure emblématique de l'acteur priant pour sa récompense. Il semblerait donc que l'acidité - supposée - de Birdman fasse désormais place à la démesure décomplexée, entre violence gratuite et vision fataliste de l'être humain.
Innáritu aura beau essayer de nous faire avaler la pilule, son film n'est pas un film de genre minimaliste et mystique, mais un blockbuster rentre-dedans qui n'hésite jamais - mais dans quel but ? - à mettre le spectateur dans une position d'inconfort. Ce qui dès lors est le plus gros problème du métrage, à savoir qu'il enchaîne à la suite les moments de bravoure dans des scènes à la violence exacerbée, interminable, et profondément gênantes. Il faut au récit près d'une heure et demi pour que le simple plan d'un indien pendu ayant l'inscription sur lui "Nous sommes tous des sauvages" nous indique que le réalisateur essaie depuis le départ de nous dresser le portrait d'une humanité déjà perdue, asservie à ses pulsions. Une ironie malvenue quand on voit à quel point le film se gargarise de cette brutalité, allant des flèches transperçant les gorges en gros plan aux plaies béantes et purulentes de DiCaprio. Rien d'étonnant de la part du réalisateur de s'enfermer dans la prétention quand on a réussi à empocher quatre Oscars l'année passée, mais il convient d'assumer clairement son propos et d'y aller franc-jeu. Tournant à vide, cet interminable récit revient constamment à son point de départ, à savoir la survie, repoussant toujours les limites de l'Actor's Studio, le point de non-retour étant le coup de la carcasse de cheval. Les images se répètent, les situations aussi, parsemées de ci de là de quelques flash-backs, ou de plans aux allures mystiques et Malickiennes (Lubezki est en roue libre).
Au final, le seul intérêt du film est de refléter à quel point certains - prétendus - auteurs à Hollywood ne sont adulés que pour leur esbroufe technique. Au-delà de quelques belles images, le film est un kaléidoscope de tous ce que le film-plan-séquence peut nous offrir aujourd'hui, à tel point qu'on voit les raccords ou les trucages en gros plan, que la courte focale fini de mettre en exergue. The Revenant est un film qui nourrit les instinct primaires au lieu de nourrir l'imaginaire, qui jouit de sa gratuité visuelle. On n'y trouve ni acte créatif, ni réel propos sous-jacent, juste une interminable collection de tous ce que le cinéma peut nous offrir de pire en ce moment.
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Créée
le 25 févr. 2016
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